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Critique de Chestakova


Après avoir lu la peste une première fois voilà une cinquantaine d'années, j'en termine ces jours- ci la relecture, à l'autre bout de ma vie. Il ne me restait pas grand-chose du récit ou des personnages, seulement quelques images, Rieux conduisant sa femme à la gare, la phrase de Grand toujours en chantier, et surtout, des sensations diffuses, qui ont émergé peu à peu au cours de la relecture : une chaleur écrasante, des rats à l'agonie, un sentiment d'oppression et de peur, une ville laide comme la peste et pourtant sublimée par la couleur de son ciel et sa respiration vivante jusque dans la mort.
Il est amusant de chercher dans la progression de l'épidémie qui va couper Oran du reste du monde, des points de ressemblance avec ce que nous vivons en 2020. Ils existent : l'isolement des malades, l'impuissance des traitements, la fatigue des soignants, la quarantaine, l'absurde administratif, la peur. Toutefois, là n'est pas l'essentiel du livre. Écrit à la troisième personne, par un narrateur anonyme qui ne se découvre qu'à la fin, cette mise à distance très forte, pourrait faire penser à une chronique minutieuse de l'avancée du fléau, au fil des saisons, d'avril à décembre. Ce n'est pas là, le propos principal de Camus qui s'interroge d'abord sur l'homme, ce qui le fait penser, choisir, agir., deux ans après la fin de la guerre, ces questions ont une résonnance forte. Oran devient donc un microcosme, un théâtre qui va donner corps au drame et mettre à l'épreuve ceux qui le vivent.
Ce pari donne au récit un aspect erratique : l'amour, la séparation, la recherche du bonheur sont des concepts abstraits plus que des réalités portées par les personnages. Rambert veut partir parce qu'il souffre loin de la femme qu'il aime, il y pense, il en parle, la femme reste dans l'ombre, comme celle de Rieux. Les femmes sont quasi absentes du récit, en dehors de la mère de Rieux, figure effacée, elles paraissent étrangères aux grandes questions qui agitent les hommes. Et Rambert ne part pas, il choisit d'être ici et de faire face au fléau avec les autres, il choisit de tourner le dos au bonheur, comme Rieux, Comme Tarrou.
La question de l'engagement d'un homme, d'une femme, dans ses choix, reste une grande question de la condition humaine, c'est pourquoi le roman de Camus résonne encore aujourd'hui, malgré l'aspect un peu manichéen des situations.
Camus n'aimait pas l'injustice, qu'aurait-il pensé en ces temps de Covid, de toutes celles qui se révèlent aujourd'hui ? quelle société plus juste aurait il voulut construire ?
Camus n'est plus là et il reste encore à écrire en ce début du 21ème siècle, un roman-épopée qui puisse rendre compte de ces mêmes questions dans la fureur infiniment complexe de notre monde.

Lien : https://weblirelavie.com
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