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Critique de Lamifranz


Cette pièce, créée en 1944, fait partie comme « Caligula » (1944), du cycle de l'absurde (qui contient également le roman « L'Etranger » (1942) et l'essai « le mythe de Sisyphe » (1942).
L'histoire était déjà annoncée dans le chapitre II de la 2ème partie de « l'Etranger » : un homme, en Tchécoslovaquie, voulait retrouver sa mère et sa soeur. Voulant leur faire la surprise, il laisse sa femme dans un hôtel voisin. La mère et la soeur l'accueillent comme un hôte ; il attend le bon moment pour leur dire la vérité, mais la nuit les deux femmes l'assassinent. le lendemain, l'épouse, inquiète, vient prendre des nouvelles de son mari et dévoile son identité ; la mère se pend, la soeur se jette dans un puits. Et Camus-Meursault conclue : « je trouvais que le voyageur l'avait un peu mérité et qu'il ne faut jamais jouer ».
Voilà donc la trame de la pièce. le message que veut faire passer l'auteur à travers ce drame est un peu plus complexe.
Jan et Maria sont jeunes beaux, riches, heureux et amoureux. de passage dans son village natal, Jan décide de rendre visite à sa mère et à sa soeur qui tiennent une auberge. Il se fait inscrire sans décliner sa véritable identité. Mais la mère et Martha, la soeur, l'assassinent pendant la nuit. Maria, involontairement, leur dévoile la vérité.
Le « malentendu », en fait, c'est d'abord le « mal dit » : si Jan avait dit qui il était en entrant dans l'auberge, tout baignerait dans l'huile ! Mais ce n'est qu'un début d'explication, qui n'éclaire que la première partie de la pièce, la mort de Jan. Ce qui est absurde, ce n'est pas la mort de Jan, c'est que la mort soit tombée précisément sur lui. La pauvre Maria qui cherche à comprendre n'arrive pas à trouver des réponses. Mais c'est justement le thème de la pièce : l'absurde se nourrit d'incompréhension et de loupés : incompréhension parce qu'on ne sait pas communiquer, et aussi parce que Jan d'un côté, sa mère et sa soeur de l'autre, sont dans des rôles qui ne sont pas naturels : Jan est un client (alors qu'il devrait être le fils et le frère) Martha et sa mère sont aubergistes (et meurtrières de surcroît) alors qu'elles devraient être mère et soeurs aimantes. Les loupés sont de plusieurs ordres : loupé sentimental : le trop d'amour d'un côté (Jan et Maria) qui entraîne la jalousie et la rancoeur (Maria) ; le manque d'amour maternel (la mère), la frustration (Maria) ; loupé personnel : l'échec de leur vie qui les condamne à tuer pour vivre (si ça ce n'est pas de l'absurde !) et à préparer un voyage fictif pour sortir du trou ; enfin loupé social : les deux femmes vivent en vase clos en totale solitude. L'arrivée de Jan est celle d'un chien dans un de jeu de quilles, elle est encore plus tragique quand son identité est dévoilée…
Le malentendu procède donc de tous ces éléments, et alimente l'absurde. le coup de grâce est assené dans les dernières répliques : Maria, épouvantée par l'ampleur de la tragédie, appelle le Ciel, Dieu, ou qui que ce soit qui, là-haut, peut éventuellement faire quelque chose :
MARIA : « Oui, c'est à vous que je m'en remets. Ayez pitié de moi, tournez-vous vers moi ! Entendez-moi, donnez-moi votre main ! Ayez pitié, Seigneur, de ceux qui s'aiment et qui sont séparés !
La porte s'ouvre et le vieux domestique parait
LE VIEUX : Vous m'avez appelé ?
MARIA : Oh, je ne sais pas ! Mais aidez-moi, car j'ai besoin qu'on m'aide. Ayez pitié et consentez à m'aider !
LE VIEUX : Non ! »
Vertigineux, non ? La seule porte de sortie, la foi, ou à tout le mois l'espérance, est refusée.
« le malentendu » est donc une pièce particulièrement noire : l'absurde bloque toutes les issues. Pour vous le représenter, imaginez le mime Marceau étendant ses mains devant lui sur un mur invisible en cherchant désespérément une ouverture.
Camus ne mettra pas longtemps à comprendre qu'à cet absurde que la vie nous impose, il faudra un correctif efficace : ce sera la révolte.
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