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Critique de Ingannmic


Un avertissement en début d'ouvrage nous informe que le texte que l'on va lire provient d'une clé USB dont il a été impossible, malgré des recherches, d'identifier le propriétaire, journaliste dont la disparition est sans doute en lien avec celles d'autres membres de la même profession, survenues "aux moments les plus forts des Evénements".

Puis on plonge dans le texte...

Le narrateur s'éveille dans un espace blanc, sans porte ni fenêtre, avec pour seule ouverture une grille d'aération trop étroite pour laisser passer un corps. Un trou de mémoire l'empêche de se souvenir des événements ayant précédé cet enfermement. le lieu est étroit (à peine deux mètres carrés) mais fonctionnel, la moindre surface est équipée pour permettre l'assouvissement des besoins vitaux d'alimentation et d'hygiène. Son ordinateur a été mis à sa disposition, mais seuls les accès à Google Earth et Wikipédia lui sont autorisés. Sur un écran occupant la largeur d'un mur, défilent continuellement les mêmes séries de photographies tirées de ses dossiers personnels.

Il consigne dans une sorte de journal ses efforts pour structurer le temps passé dans cette prison. Aucun élément extérieur ne lui permettant de distinguer le jour de la nuit, il tente de se créer des repères en se fiant à son propre rythme biologique -la faim, le sommeil-. Il ordonne le peu d'activités à sa disposition (navigation sur ordinateur, séries de pompes, repas) en les chronométrant à l'aide du minuteur du micro-ondes qui lui permet de réchauffer les plats distribués par un automate. Pour conserver un semblant d'espoir face à l'absurdité de la situation, il lit sur Wikipedia les récits d'autres victimes de disparitions forcées ayant survécu.

Invoqués par les photos projetées à l'écran, ou par les visites virtuelles qu'il effectue, via Google Earth, sur des lieux de son existence, les souvenirs qui s'insèrent dans son témoignage nous livrent des bribes de sa vie et de sa personnalité. Son attirance trouble pour celui qu'il nomme son "filleul", dont la bouleversante beauté se rappelle à travers de nombreux clichés, prend notamment beaucoup de place. Il se remémore leurs séjours à Venise, leurs liens d'amitié amoureuse avec la gardienne de l'immeuble de la rue Charonne où il habite. Ses obsessions s'invitent aussi dans son texte : sa phobie des cafards, son angoisse de la fuite du temps, sa paranoïa de l'enlèvement -!-, déclenchée par un reportage effectué en Corée.

Ses allusions au contexte politique et social mêlent éléments réels à ceux qui pourraient être, la fiction venant exhausser la part la plus désespérante, et la plus vile de notre réalité. Il est question de l'attentat du Bataclan, et d'une vague d'autres à la suite desquels un couvre-feu a été instauré, ainsi qu'une généralisation des contrôles au faciès, de troubles populaires et d'un référendum portant sur la révision du droit de grève et la criminalisation de l'action syndicale. Un "oui" liberticide et xénophobe l'a emporté juste avant son kidnapping...

Sur le pourquoi de cet enfermement, nous n'aurons pas de réponse. Il m'a semblé en effet que le but du récit était de nous renvoyer à nos angoisses, universelles -le passage du temps- ou conjoncturelles, et de nous interroger sur la part de paranoïa qui les génère.

Et j'avoue avoir été déçue, car j'aurais aimé que l'auteur creuse plus profondément cet aspect de son intrigue, en décrivant plus longuement les effets de l'enfermement sur son personnage. Je m'attendais à un récit plus centré sur le basculement dans la folie. J'ai trouvé que le personnage s'accommodait un peu trop facilement de sa situation, que même son désespoir restait mentalement maîtrisé, et que le déroulement de l'ensemble s'étendait sur un temps trop bref pour atteindre une intensité que j'ai, en vain, espérée...

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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