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Critique de umezzu


Voilà (encore) un roman policier que je n'aurais pas lu sans les critiques positives postées sur ma page d'accueil par mes amis sur Babelio. Merci à eux. En effet, je suis pas un adepte de la collection (Série noire de Gallimard), la couverture est délibérément vieillotte, l'auteur m'était inconnu (c'est un journaliste de Mediapart), et, avant tout, la période abordée, celle de la guerre d'Algérie et des manipulations auxquelles elle a donné lieu en métropole, est toujours source d'oppositions et de parti-pris.

En fait, Cantaloube a trouvé par le biais du roman policier l'occasion de raconter une époque, celle des débuts de la cinquième république.
1959, De Gaulle est de retour au pouvoir en promettant de traiter le problème algérien. Ce que certains interprètent comme un blanc-seing aux exactions anti-FLN, particulièrement en France métropolitaine. le préfet de police de Paris, Maurice Papon, a déjà sévi en matière de maintien de l'ordre pendant l'occupation. Son adjoint, Deogratias, décide de se débarrasser de l'avocat algérien des militants FLN en lui envoyant un tueur issu des rangs de l'extrême droite, Victor Lemaire. Pour couper toute chance à une très éventuelle enquête de remonter jusqu'à lui, il mandate un ancien collabo de ses amis, Sirius Volkstrom, pour liquider le tueur dés qu'il sera passé à l'action.
Un plan qui devait se dérouler sans accroc, un soir de la semaine où l'épouse française issue de la bonne bourgeoisie et les enfants devaient être de sortie. Mais le jour venu, Volkstrom ne peut que constater les dégâts : Lemaire a exécuté l'avocat, son frère de passage dans les lieux, sa femme et deux tout jeunes enfants, et il a réussi à s'enfuir. L'enquête est confiée à la brigade criminelle. le jeune débutant Luc Blanchard est sur le coup. Un dossier où il va vite sentir malgré sa naïveté qu'on cherche à orienter l'enquête vers un simple règlement de compte entre algériens.
Le père de la femme de l'avocat est un grand banquier, ancien chef d'un réseau de résistance dans le sud. Désemparé, sentant que la préfecture de police lui ment, il fait appel à un camarade du maquis, Antoine Carrega. Ce truand corse a ses entrées dans le milieu. Au nom de leur passé commun et des liens qu'ils ont noué, Carrega va accepter de mener l'enquête de son côté pour savoir qui a pu tuer aussi sauvagement toute une famille.

Chaque chapitre concerne alternativement l'un des personnages (fictifs) : Carrega, du mauvais côté de la loi mais totalement fiable, Volkstrom, escroc occasionnellement tueur, sans engagement politique, mais toujours prêt à faire régner la violence pour de l'argent, et Blanchard, le petiot manquant de confiance en lui, mais qui ne se satisfait pas des conclusions toutes faites qu'on lui présente.
La chasse à l'homme commence. Elle va permettre de croiser des personnages réels. Papon, bien sûr, dont on voit la responsabilité dans la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 organisée par le Front algérien de libération nationale (FLN). François Mitterrand aussi, alors sénateur d'opposition, impliqué dans un faux attentat contre sa personne, boulevard de l'observatoire. Michel Debré, chef du gouvernement, dont Cantaloube reprend un discours, en le situant dans un autre lieu. Jean-Marie le Pen, alors député d'extrême droite présent dans les manifestations pour l'Algérie française.
L'ambiance faite de manoeuvres politiques, de coup d'État en préparation et d'opérations clandestines en réaction aux attentats du FLN et aux discussions à Evian autour de l'indépendance, est prenante.

Le montage de Cantaloube prend vite. le lecteur plonge dans un polar stylé années cinquante, avec des truands qui ont des règles d'honneur et des barbouzes qui fraient avec les extrêmes. Les policiers sont ambigus, les politiques ouvertement manipulateurs. Cantaloube avance son intrigue avec efficacité. le livre est épais, mais il se lit à grande vitesse en se remémorant les évènements réels que Cantaloube évoque au passage. Une réussite dans le genre.
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