AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de clesbibliofeel


Les livres sur Marie Curie sont innombrables. Je suis fasciné par cette femme de sciences et d'engagements – découverte notamment dans le superbe Marie Curie prend un amant d'Irène Frain. J'étais d'autant plus curieux de lire cette jeune autrice américaine, de voir ce qu'elle allait faire, en 2022, de ce personnage féminin hors du commun ? Merci à Babelio et aux Éditions Préludes de m'avoir permis cette heureuse expérience.

Jillian Cantor a entrepris d'entrelacer deux histoires de nature bien différentes. D'une part, une autobiographie romancée de Marie Curie, de ses 24 ans en 1891 à sa mort en 1934, et d'autre part une fiction sur ce qu'aurait pu être sa vie si elle n'avait pas quitté la Pologne, se mariant et du même coup renonçant à son goût pour la science.

Au début, en Pologne, il n'y a que Marya Sklodowska – nom polonais de Marie Curie – puis celle-ci, en arrivant à Paris pour étudier, devient Marie. Ensuite ce sera l'une et l'autre, un chapitre sur deux. La perspective de 400 pages de ce régime m'a un peu intrigué au début. Les mêmes personnages dans des vies différentes... D'un côté leur vraie vie, de l'autre une vie imaginée par l'autrice... Mais n'y a-t-il pas toujours une part de fiction dans toute biographie ? Où se trouve la frontière à ne pas dépasser ?

« Les chapitres Marie » permettent une mise en valeur de la modernité de cette figure scientifique mondiale. Exilée débarquant en France en 1891, étudiante brillante, scientifique acharnée, première femme au monde obtenant un prix Nobel... Il y est surtout question de la femme scientifique en butte aux hommes de son époque, à une société masculine ayant peur de la femme puissante. A ce titre le scandale suscité par sa liaison avec Paul Langevin est éloquent. de même que l'image d'une scientifique froide, uniquement préoccupée par son travail ou débauchant un homme marié. Quelle farce ! Imaginons un instant les mêmes éléments dramatiques avec un alter ego masculin ayant une aventure avec une femme mariée... aucun journaliste n'aurait fait un article là-dessus...

« Les chapitres Marya » sont une mise en miroir de l'existence possible de Marie si elle était restée à l'ombre de Kazimierz, son fiancé d'alors, devenu ensuite un brillant scientifique dans les mathématiques. le procédé narratif autorise ainsi l'autrice à s'intéresser à la situation en Pologne, nous immergeant dans l'Europe du début du XXème siècle, avec un pays partagé entre l'empire russe, l'empire autrichien et l'Allemagne prussienne (que de guerres pour des frontières, et surtout que de destructions de vies, de biens, d'avenir !).

Cette construction littéraire double est d'une grande richesse, bien loin, comme je l'ai lu, d'une romance banale. J'ai aimé cette alternance, autobiographie pure de Marie Curie, fiction avec Marya mais avec des éléments réels touchant des personnages que Marie a laissés en Pologne dans sa jeunesse, ayant poursuivi leur vie là-bas dont Kazimierz... L'amour de jeunesse de Marie aurait passé les dernières années de sa vie à venir s'asseoir sur un banc devant l'Institut du radium à Varsovie, où il contemplait la statue de Marie érigée là après son décès, en 1934. Ce n'est pas donné comme une certitude mais littérairement cela a du poids. C'est à partir de cette anecdote que Jullian Cantor a eu l'idée d'écrire ce roman. Dans la très instructive postface, l'autrice raconte avoir écrit deux romans, et qu'elle a ensuite travaillé dur pour les mêler intimement.

Voilà bien un livre de « positive attitude », qui plaira à tous ceux souhaitant aux femmes une reconnaissance hors de l'ombre dominatrice masculine. Il ne plaira pas du tout aux hommes que l'égalité des sexes effraie – on a un début de réponse dans les avis déjà publiés, confirmant que le chemin de l'égalité est long... Sans en passer par le discours sociologique, politique ou philosophique, ce roman nous dit que l'avenir peut appartenir aux femmes, que celles-ci détiennent en grande partie leur avenir :

L'écriture coule toute seule, librement. Peu d'effets particuliers si ce n'est quelques métaphores autour de la radioactivité, rappelant la passion scientifique pour l'atome de Marie Curie. Il fallait peut-être cette écriture là pour passer ainsi d'une histoire à l'autre sans perdre le lecteur. J'ai notamment trouvé remarquable l'habileté tranquille de l'autrice pour citer des expressions polonaises en glissant la traduction dans les réponses des personnages, évitant ainsi les notes de bas de page :

Je découvre avec ce livre les éditions Préludes. Seulement cinq ans d'existence et cinquante titres publiés, mélangeant talents confirmés et nouvelles plumes, selon leur site. La couverture, d'après Sarah Brody, illustre magnifiquement le contenu, ce qui n'est pas si fréquent !

Jillian Cantor est née à Philadelphie et vit actuellement en Arizona. Elle a publié auparavant un premier roman « La vie secrète d'Elena Faber », mélangeant également histoire, amour et époques différentes. Plutôt tentant pour moi après cette expérience réussie.

Quels livres sur Marie Curie ou d'autres femmes scientifiques avez-vous lu, lesquels conseilleriez-vous ?
******
Retrouvez cette chronique avec illustrations sur Bibliofeel (lien ci-dessous) ou sur page Facebook Clesbibliofeel.

Lien : https://clesbibliofeel.blog
Commenter  J’apprécie          280



Ont apprécié cette critique (28)voir plus




{* *}