Je chevaucherai, les morceaux de chair auront déjà commencé à tomber de mon corps… il ne me restera que les yeux, mais j'avancerai encore à la tête de mes soldats, un squelette sur un cheval blanc… Et les gens crieront : «Vive le Maréchal ! Vive Son Excellence la Mort !»
Je préfère subir une défaite que tolérer… [des] chantages utopiques ! Je laisserai le monde entier périr de la maladie blanche, plutôt que de laisser… un seul instant… se répandre ici votre peste pacifiste !
On aurait dépensé des milliards en armement pour rien ? Une paix éternelle ! C'est un crime, ça. Il n'y aurait plus qu'à fermer les entreprises Krüg, hein ? Et mettre deux cent mille travailleurs sur le pavé, peut-être ?
Je laisserai le monde entier périr de la maladie blanche plutôt que de laisser un seul instant se répandre ici votre peste pacifiste.
SIGELIUS : Eh bien, je songe... aux préparatifs de cette guerre, qui désormais paraît, Dieu soit loué, inévitable. Diriger les établissements Krug en un tel moment n'est pas une mince affaire.
LE BARON KRUG : C'est bien vrai, oui. Et bien, voilà, mon cher Sigelius. J'ai pensé que je pourrais vous confier une certaine somme pour la recherche contre la maladie blanche.
SIGELIUS : Ha, je reocnnais bien là le baron Krug. Se préoccuper des projets scientifiques en un tel moment de tension ! Toujours aussi généreux et spontané ! Nous acceptons avec plaisir, monsieur le baron, et vous pouvez être assuré que nous utiliserons cet argent pour continuer nos recherches tant que nous en aurons la force.
LE BARON KRUG: J'en suis convaincu. (Il pose une grosse enveloppe sur le bureau.)
SIGELIUS : Dois-je faire un reçu ?
LE BARON KRUG : Pas nécessaire. Et comment se présente la situation, mon cher Sigelius ?
SIGELIUS : De la maladie blanche ? Et bien, cela continue à se propager... Par bonheur, les gens pensent maintenant davantage à la prochaine guerre qu'à la maladie blanche. Les perspectives sont très optimistes, n'est-ce-pas, monsieur le baron ? La confiance est totale. (p. 86)
LE JOURNALISTE : Une ?
SIGELIUS : Pandémie. Une maladie qui gagne le monde entier comme un raz-de-marée. Oui, en Chine, presque chaque année, on voit surgir une maladie nouvelle et intéressante - c'est la pauvreté qui fait ça -, mais jusqu'à présent aucune n'a eu le succès de la maladie de Tcheng, c'est vraiment la maladie du moment. (pp. 21-22)
LE JOURNALISTE : Monsieur le conseiller d’État, notre journal souhaiterait donner au public des informations de la voix la plus autorisée...
SIGELIUS : ... à propos de la maladie blanche ou lèpre de Pékin, je sais. Malheureusement, on écrit déjà beaucoup trop à ce sujet. Et de façon trop peu scientifique. Mon opinion est qu'il faut laisser la médecine aux médecins. Si vous parlez de cette maladie dans la presse, la majorité des lecteurs va soudain se découvrir tous les symptômes afférents, pas vrai ? (p. 18)