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Critique de SZRAMOWO


« le vent souffle dans a direction que lui imposent sa naissance et son environnement. Il n'est pas libre. Seule sa force varie. »
Sentiment doux amer à la lecture de Un souffle, une ombre. L'écriture fluide de l'auteur nous conduit dans les méandres de l'adolescence et nous fait éprouver cette inquiétude latente qui la caractérise. Peur d'être rejeté par ceux dont on veut être les amis, insatisfaction face à ceux qui veulent à tout prix être nos amis, crainte du jugement des adultes, désillusion permanente.
Comme dans le diable sur les épaules, la trame de l'histoire repose sur la relation ambigüe, adultes/ adolescents. Les premiers veulent modeler les jeunes à leur image, les voir reproduire leur comportement guidé par une appartenance de classe. Les seconds attendent plus des adultes. Plus de générosité, plus de courage, plus de panache.
Le 24 aout 1980 sur l'îlot des Bois-Obscurs alors que la fête du club nautique des Crozes à Valdérieu, bat son plein, Justine, Guillaume, Emmanuel et Florie sont massacrés dans des conditions horribles. Ils ont chacun à leur manière dépassé les limites que leur impose leur origine sociale et se sont aventurés en zone dangereuse. Justine la belle adolescente objet de toutes les convoitises entend être une femme libre et veut faire du théâtre contre l'avis de ses parents. Emmanuel souffre de l'indécision de ses parents qui veulent à tout prix accéder au Gotha de la petite ville de Valdérieu. Guillaume se plie à la volonté de ses parents qui l'inscrivent aux Scouts car ils le trouvent un peu mou. Florie adopte une posture dédaigneuse pour masquer le désarroi que lui cause le divorce de ses parents
Le jeu des relations entre adultes au club nautique des Crozes, tourne autour des conditions d'adhésion, il faut pouvoir payer une cotisation onéreuse mais aussi être coopté. L'argent n'a pas tous les pouvoirs prétendent ceux qui en sont blindés…Et puis le coopté est l'obligé de celui qui l'a coopté et peut le lui faire sentir.
La description des invitations pré-cooptation où les adhérents se « payent » les candidats et la veulerie des candidats prêts à tout pour être coopté est d'une lucidité et d'une cruauté assumées.
Au lycée Saint-Jacques, les enfants singent leurs parents. Emmanuel est le souffre-douleur, ses bourreaux sont des enfants de refusés au club nautique, et ses parents sont dans une valse-hésitation, sommes-nous dignes d'adhérer au club nautique ?
La communauté « cimentée » est une illusion que le drame déchire. Chacun part à la recherche de coupables plausibles, les cherchant chez ceux qui ne partagent pas leurs valeurs. Homosexuels, coureurs de jupon, lesbiennes supposées, sont accusés sans ménagement et leur vie privée étalée au grand jour par une justice aux abois poussée par des médias en recherche de sensationnel.
Marc Edouard Peiresoles, le narrateur, avait le même âge que les victimes et les connaissaient sans qu'ils soient des amis. Lui-même était le fils du marchand de matériaux de Valdérieu. Depuis le 24 août 1980, la peur ne l'a jamais quitté. Il va d'échec en échec dans sa vie sentimentale et sombre peu à peu, malgré sa position enviée d'universitaire ayant soutenu une thèse remarquée « L'impact de la Première Guerre mondiale sur les petites patries : l'exemple des Monts d'Autan. » qui lui a permis de publier son premier ouvrage « La Génération sacrifiée. » Il est devenu maître de conférences à l'université de Toulouse le Mirail.
Face à son désarroi permanent, il se résout à consulter un psy qui lui fait décrire sa peur et comme thérapie, lui propose de l'affronter.
C'est ce que va faire Marc-Edouard en tentant de revivre le drame du 24 août 1980 et ses conséquences sur les personnes et l'équilibre économique de la région.
L'enquête de Marc Edouard tient le lecteur en haleine et va le mener jusqu'à la découverte de la vérité. Epoustouflant. Christian Carayon renouvelle le genre du polar en explorant la psychologie de personnages ordinaires qui dérivent dans une région frappée par la crise et la désertification.


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