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Critique de Malaura


Pour beaucoup, parler de la poésie de Maurice Carême fera rejaillir des souvenirs d'école, des odeurs de pupitre, de craie, de tableau noir, le moment des récitations au pied de l'estrade, les bons points échangés contre une image…Evocations d'enfance, salle de classes et cours de récréation, à courir sous les platanes, à s'abriter sous les préaux…

C'est que le poète belge Maurice Carême (1899 – 1978), naît à Wavre, une petite ville du Brabant wallon, fut longtemps instituteur et que son amour des enfants le poussa à leur dédier une large part de son oeuvre poétique.
Après avoir goûté aux mouvements futuriste et surréaliste, c'est vers la poésie de l'enfance que Carême se tourne, dans une démarche poétique révisée en profondeur pour atteindre la plus grande simplicité. Une simplicité qui offre la lumière, celle qu'on voit briller doucement à travers le carreau, d'une douceur enveloppante et chaude, un halo doré et caressant.

Comme Prévert, lui-aussi fréquemment étudié à l'école primaire, Maurice Carême a laissé son empreinte dans la mémoire de maints écoliers au gré de rimes courtes, vagabondes et riantes, au rythme d'une poésie toute vêtue de naturel, de rondeur et de franchise. La nature, considérablement présente, y foisonne, s'y niche par tous les temps et en toutes saisons, les animaux s'y promènent, y courent, y caracolent.
« Un écureuil, sur la bruyère / Se lave avec de la lumière / Une feuille morte descend /Doucement portée par le vent »..

Mais il serait dommage de réduire Maurice Carême uniquement à la seule étiquette de « poète de l'enfance » car l'auteur a également écrit de nombreux et superbes poèmes qui s'adressent aux plus grands.
Pour autant, là encore, c'est le mot « simplicité » qui s'inscrit en lettres majuscules dans l'oeuvre du poète. Une simplicité qui s'unit à une profondeur du sens et à une richesse du coeur, qui alimenteront justement la renommée de l'homme de lettres belge et le rendront inoubliable.

Le recueil « Mère », paru dans les années 1930, est l'un des plus vibrants témoignages de cette poésie où spontanéité et naturel s'enjolivent des plus belles fleurs de la sincérité et de la confiance.
« Je prenais la main de ma mère / Pour la serrer dans les deux miennes / Comme l'on prend une lumière / Pour s'éclairer quand les nuits viennent. »

Qu'il parle de son enfance, de sa ville natale ou de la modeste vie des gens humbles :
« Rien que ce mur et ce chemin / Et, autour de moi, un matin / Qui a l'odeur dorée du pain / L'ombre d'un oiseau sur le mur,/ L'écho d'un pas sur le chemin. / Douceur faite de petits riens…»
Qu'il chante l'amour et la joie, ou bien « Caprine », la femme de sa vie, sa compagne et sa muse d'un quart de siècle :
« le jour qui vient de s'éveiller / Ne cesse de s'émerveiller. / Et c'est toute la joie de vivre / Que le vent, de son crayon bleu, / Note sur le livre des cieux. »
Qu'il s'indigne contre la misère humaine :
« Et l'on a beau vouloir crier / Qu'on a les pieds, les mains liés / Comme personne ici ne crie / On se tait par humilité. »
Qu'il exalte la beauté de la nature ou qu'il s'attarde, nostalgique, sur le temps qui s'écoule :
« On dirait qu'on entend pleuvoir le temps / Usant les vieilles pierres de la rivière / On dirait qu'on entend pleuvoir les ans / Qu'emportent doucement les eaux du temps. »…

…Il y toujours chez Maurice Carême ce même élan de vie, cette sincérité, cet abandon de toutes formes alambiquées au profit de vers cristallins et pénétrants, toniques et chantants, qui conduisent à une intensité et à une émotion spontanées.
Une poésie pleine de douceur et de vie, de foi en l'homme, de sagesse et d'humilité à laquelle on peut également ajouter une large part accordée au visuel, un sens aigüe de l'image qui libère instantanément les représentations et les projections mentales du lecteur.
Paysage hivernal, forêt automnale, ciel brumeux ou ensoleillé…la transparence et la nudité des rimes font jaillir les images comme le feraient quelques coups de crayon sur une feuille à dessin, révélant alors, par on ne sait quelle magie, un tableau enchanteur.
« C'est du soir en fruit, / de la nuit en grappe / Et le pain qui luit / Au clair de la nappe.
C'est la bonne lampe / Qui met, sur les fronts / Rapprochés en rond / Sa joie de décembre.
C'est la vie très simple / Qui mange en sabots, / C'est la vie des humbles : / Sourire et repos. »

La poésie de Maurice Carême, c'est une lumière qui nimbe les êtres et les choses d'une clarté douce, comme un rayon de soleil caressant aux aurores la feuille d'un arbre, c'est le frémissement musical du vent dans les branchages, c'est le tintement des sabots sur la roche, c'est la fuite d'une biche dans l'épaisseur des fourrés, ce sont des animaux, écureuils, chats, chèvres…qui viennent nous souhaiter le bonjour, c'est…le bruit de la vie, l'odeur de la vie, l'existence sans fioritures, dans ce qu'elle a de beau au naturel, dans ce qu'elle a de fort aussi, et de grave, et de triste, et d'humain.
Alors oui, malgré le temps qui passe et bien que pour certains les souvenirs d'école soient désormais lointains, c'est un réel plaisir de redécouvrir l'oeuvre de ce grand monsieur, qui compte près de 80 recueils de poèmes, de contes, de nouvelles, de romans et d'essais.
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