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Critique de keria31


Quelle culture et quel passionné défenseur des animaux !

Etonnée surtout par l'étendue des connaissances de cet auteur qui passe en revue les différentes étapes de notre évolution dans nos rapports avec les animaux. Il revient, en premier lieu, sur les grandes avancées scientifiques qui ont bouleversé notre perception du monde : la théorie du Big Bang, la formation de la terre, la naissance de la vie et le développement des espèces, puis celle de l'ADN. Autant de découvertes qui heurtent notre égo, remettent en cause la place centrale et dominante de l'homme dans la création à cause notamment de chercheurs comme Copernic et Darwin. Du coup, la parenté entre l'homme et l'animal étant admise, il évoque en second lieu, les nouvelles branches de la recherche qui sont nées au XXs. D'abord l'éthologie qui étudie le comportement animal avec des personnalités comme Jane Goodall, Richard Dawkins ou Jared Diamond dont la conférence de Cambridge en 2012 est l'aboutissement puisqu'elle reconnaît une conscience aux animaux. Ensuite, l'éthique animale qui est fondée sur 2 courants, le welfarisme représenté par Peter Singer et l'abolitionnisme par Tom Reagan. Une conception philosophique qui, doit amener à une refonte du droit des animaux et à des transformations profondes de nos pratiques envers eux jusqu'à aller, selon Caron, vers la fin de l'élevage, de la corrida, de la vivisection, des cirques et des zoos. L'homme étant un animal, les autres espèces d'animaux non-humains doivent intégrer notre sphère de considération morale comme l'a proposé en premier, Singer, et être considérés dès lors comme des personnes, non des objets. Ce mouvement de libération s'inscrivant dans la logique de la lutte contre l'esclavage au XIXs. Et l'auteur de citer aussi quelques associations qui ont pris en charge ce combat comme Greenpeace, L214, Peta ou une personnalité telle qu'Henri Spira, l'un des militants les plus impactants dans ce domaine.
Or, parallèlement, l'auteur rappelle et décrit rapidement les pratiques les plus criminelles et douloureuses envers les animaux qui se sont développées dans un même temps. D'abord l'industrie de la viande qui a connu un grand essor, abat toujours plus de victimes (70 milliards par an) et fait tout pour masquer la cruauté des conditions de vie des animaux de ferme. Mais aussi l'élevage de la fourrure, le massacre des dauphins dans la baie de Taiji ou encore le trafic des espèces avec l'effondrement de la population chez certains animaux sauvages en seulement un siècle comme l'éléphant (-95%), le tigre (-97%) ou le lion (-80%) par exemple. Un vrai génocide qui se réalise dans l'indifférence d'un grand nombre et des politiques.

C'est pourquoi, l'auteur va plus loin et pense que l'éthique animale et plus largement l'écologie doivent aboutir à la mort du système capitaliste qui façonne notre monde aujourd'hui, cautionne et stimule l'exploitation animale ainsi que celles des ressources, accroît le pouvoir de l'oligarchie de la finance et des multinationales, dérégule l'économie et rejette l'interventionnisme de l'Etat. En ce sens, il désapprouve les tentatives d'écolos qui sont modérés et prônent par exemple, un capitalisme vert qui se contenterait de freiner ou limiter l'exploitation du vivant. Caron, lui, souhaite donner une incarnation à l'écologie profonde d'un Arne Naess et propose donc un nouveau projet de société comme la Biodémocratie. Outre Naess, des auteurs comme Shopenhauer, Tolstoï, David Thoreau, Karl Marx, Hugo, Zola, Gandhi ou encore Montaigne sont cités comme premiers penseurs de l'anticapitalisme ou de l'éthique animale. On voit l'esprit d'un homme qui a fait de nombreuses recherches dans ce domaine et qui possède une forte mémoire dotée d'un solide sens de l'analyse.

Enfin, venons-en au point sans doute le plus critique : celui du projet de Biodémocratie. Il s'appuie en partie sur les propositions d'un autre, un dénommé René Dumont qui envisageait le contrôle de la démographie et la nécessaire baisse de la production. Mais il laisse libre court aussi à son imagination avec l'idée d'un monde où les animaux retourneraient à l'état de nature sous la vigilance des humains , la formation d'un système politique qui inclurait un Comité d'experts sur le vivant, une Assemblée naturelle à la place du Sénat ou encore des orphelinats à la place des refuges, des tuteurs à la place des propriétaires pour les animaux de compagnie dont la liste serait à redéfinir. Bref tout un programme...Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est l'auteur qui va le plus loin sur ce sujet et se montre aussi le plus radical avec cette volonté d'incarner l'antispécisme et l'écologie dans une révolution politique. J'ai approuvé beaucoup de points, notamment la nécessaire réforme du droit pour les animaux qui doit être plus clair, plus logique pour lancer la réforme juridique qui en découle et j'ai été séduite par le changement de statut du propriétaire en tuteur accompagné d'un service administratif pour gérer l'état civil des animaux sous leur garde. Finit l'appropriation des bêtes considérées comme objet de commerce. De bonnes idées, c'est sûr même si je ne suis pas d'accord avec tout comme la création d'un gouvernement mondial, la suppression du statut de chef d'Etat ou encore la possibilité d'une révocation des élus en cours de mandat, la critique trop facile de Hulot (jalousie ?) ou encore l'option d'une scde assemblée au sein du corps législatif (1 seule suffit selon moi car trop paralysant autrement). Plus mitigée aussi sur les zoos car bcp d'animaux vivent assez bien dans les parcs comme dans celui de Beauval qui est remarquable et je ne suis pas contre les concours d'animaux en général car si l'éducation vaut pour les humains, elle l'est aussi pour les animaux, le problème relevant plutôt de la méthode.

Mais bon, je chipote, ce n'est sans doute, comme le reconnaît d'ailleurs l'auteur lui-même, qu'une belle utopie...Car de toute évidence, la réalité ne va pas dans le sens de Mr Caron. Ce dernier publiant une oeuvre spécialisée, évacue bien d'autres problèmes contemporains. Comme ceux de la guerre entre l'occident capitaliste et l'orient islamiste ; la montée du réchauffement climatique et des catastrophes naturelles ; l'avidité des multinationales et de la finance qui poursuivent dans le cumul des richesses et la surexploitation ; l'agriculture industrielle qui, étant encore le modèle dominant, maltraite les animaux et pollue la terre ; les injustices qui se sont cumulées et qui en résultent avec le fossé abyssal des inégalités, l'asphyxie des voix contestataires et le laxisme des politiques ; et enfin l'essor de la science qui s'intéresse de très près à la robotique, la génétique et l'intelligence artificielle...bref un autre programme s'annonce qui, lui, est bien plus sombre.
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