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Critique de SZRAMOWO


L'Épervier de Maheux nous invite dans le Haut Pays Cévenol, au « commencement de hautes solitudes », quand « brusquement tout change, les torrents disparaissent, les sources se raréfient, le schiste et le granit cèdent la place au calcaire marin, le sol s'éclaire et clapote comme une vieille toiture, l'air acide nettoie les sous-sols clairsemés où le ciel apparaît avec les derniers fayards.»
« De l'os partout, un soleil africain, des ombres qui ont la fraiche amertume de l'Armorique : voilà le Haut Pays. Les vieux meurent, les enfants s'en vont, les maisons ferment : voilà son histoire. »
Le lecteur partage avec les personnages «  (…) un continuel tête à tête avec un monde abandonné à sa torpeur géologique. »
Les femmes y « passent sans transition d'une adolescence fanée (…) à une sécheresse active et sans âge. » ; et « Il n'est pas de maîtresse branche ni de poutre à portée de main qui n'aient offert au moins une fois la tentation d'y accrocher une bien vilaine corde. »
« À Maheux (…) Ni grandes joies, ni grands malheurs : des emmerdements à n'en plus finir, ça oui, mais tant que les châtaignes ont assez de goût dans l'assiette, on a sa place dans le monde. » Et, « Joseph Reilhan a bouffé sa part de vache enragée : du corbeau pour tout dire. »,  pense : « Quand le présent montrait tant d'exigences, qui se serait soucié du futur.» ?
« Ce n'était pas exactement la misère ; c'était une frugalité traditionnelle avec laquelle on avait l'habitude de s'entendre et de faire bonne figure, puisque tout le monde, ou presque, était logé à la même enseigne. »
Un roman hallucinant, végétal et minéral où l'humain ne trouve sa place qu'en acceptant « l'harmonie imposée » par la nature. Où, « ce que l'on faisait aujourd'hui, on n'était pas sûr de pouvoir le refaire demain. »
Comme une avalanche, l'écriture de Carrière nous ensevelit sous un déluge de sentiments contradictoires, colère-nostalgie ; rage-désespoir ; fureur-compassion ; impuissance-admiration ; peur-renoncement.
À plusieurs reprises le lecteur se prend à évoquer la chanson de Jean Ferrat, pourtant que la montagne est belle, où la résignation des personnages le dispute à la majesté de la nature immuable que l'humanité ne peut qu'humilier en essayant de la réduire à un rôle d'esclave. Piteuse vengeance.
Très louable initiative du journal Le Figaro et sa collection « Le meilleur du Prix Goncourt ».
Un livre à lire et relire.
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