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Critique de Marcellina


Un destin brisé, une énigme de l'Histoire ou juste un homme différent…

« Louis II est un Wittelsbach. Il sera marqué par l'hérédité des Wittelsbach. Il sera l'incarnation de leur destin. »

Pauvre Louis, Prince solitaire, sevré très jeune de l'amour sans faille de sa nounou, éduqué à la dure par un militaire volontaire et fidèle mais qui manque clairement de pédagogie, enfermé dans son rôle d'héritier où la chaleur d'une famille aimante n'a aucune place ; enfant malheureux qui trouvera une échappatoire dans ses rêves de chevalerie.
Pauvre Louis, Roi bien trop jeune, à l'aube de ses vingt ans, qui se réveillera au son de l'Opéra et quel opéra, celui de Wagner. Et l'amour jaillira de ce coeur trop tendre, trop romantique pour cette musique qu'il semble le seul à comprendre et dans lequel le compositeur trouvera comme une âme soeur qui l'accompagnera d'une manière indéfectible jusqu'à la fin.
Et le temps passe pour ce jeune Roi, si grand, si beau, au regard toujours tourné vers le ciel, aux aspirations toujours portées vers l'absolue beauté.
Le temps passe dans un monde irréel, créé hors du temps pour ce roi rêveur et le temps passe aussi dans le monde réel où le roi doit s'investir pour son peuple, pour son royaume. Et c'est bien là le grand paradoxe, malgré ses absences, malgré ses fuites toujours renouvelées, Louis aura toujours à coeur de garder l'indépendance de sa chère Bavière mais aussi l'union fédérée de la grande Allemagne. Union qu'il aurait voulu construite sur l'Art allemand, union qui sera finalement réalisée militairement par Bismarck…
Et ce temps qui passe est source de douleurs aussi : le petit frère du roi sombre dans la démence, Wagner trompe l'amour pur du souverain avec ses nombreuses muses, la politique le presse et le contraint lui qui n'aspire qu'à la liberté et la pureté de l'air qu'il ne trouve que dans ses chers alpages, son homosexualité enfin qu'il ne peut accepter et qu'il combat de toute ses forces le trouble profondément et le mine.
Et, bien que toujours jeune, le Roi s'isole de plus en plus, il ne peut plus supporter la laideur du monde, la musique ne lui suffit plus, il s'investit dans l'architecture. Et, là encore, tout sera dans l'extravagance, trois châteaux, trois rêves : le premier rend hommage au monde de la chevalerie ; le second, un hymne aux Bourbons et le troisième, une réplique de Versailles en l'honneur de Louis XIV. Mais tout cela coûte cher, très cher. Déjà, la population n'a pas oublié la montagne d'argent « gaspillé » pour le cher Wagner et maintenant, ce nouveau délire dispendieux ! le gouvernement ne va pas se laisser faire et, avec l'aide de quelques domestiques véreux, le roi Louis II de Bavière va être déclaré fou et inapte à gouverner. Plus qu'un complot, c'est une trahison et le peuple l'a bien compris qui a encore essayé de protéger son roi, différent mais pas fou. Mais la ruse l'a emporté sur la fidélité, l'aigle des Alpes ivre de liberté s'est finalement suicidé pour devenir une légende.

« Louis II est mort dans un décor romantique où l'eau peut être aussi lisse que l'était la peau du visage de ce jeune monarque ou agitée par une brusque tempête, comme l'était le cerveau de cet homme en proie aux tourments les plus insensés. »

Une plume superbe réunit les documents d'archives (lettres, journal intime, rapports médicaux, plans, extraits de presse,…) et nous offre un documentaire qui retrace la vie de Louis II de Bavière qui se lit comme un roman. On peut alors se faire sa propre opinion sur la folie de ce roi qui n'aurait jamais dû être roi. Etait-il dément comme son frère ou juste différent, extravaguant ? En avance sur son temps pour certaines choses comme l'intégration dans ses châteaux des nouveautés technologiques de la fin du XIXème siècle, de la réalisation réelle de simples élucubrations littéraires comme la table qui se dessert toute seule... Ou alors, perdu dans un siècle où le romantisme n'a plus la cote, où seule compte la réalité… Fou pour les médecins à la solde du pouvoir et qui ne l'ont même pas examiné ; homme bienveillant et lucide pour les paysans qui le côtoyaient tous les jours… Une énigme dont l'origine se trouve peut-être aussi dans son ascendance faite de multiples mariages consanguins et dont l'étrangeté se retrouve dans sa seule vraie amie, sa cousine germaine, sa soeur, Sissi, impératrice d'Autriche.

«  Lointaine, rêveuse, imprévisible, inconséquente, Sissi ressemble à Louis II comme une soeur, mais avec plus de mesure.
le sang des Wittelsbach ne coule pas dans leurs veines avec le même bouillonnement. Chez Sissi, l'hérédité se fait plus discrète, presque pudique. Chez le roi de Bavière, elle est spectaculaire, hallucinante. Chez elle, le déséquilibre est voilé, chez lui il est effrayant. »

Une histoire magnifique, un destin tragique, une légende vivante dont les réalisations sont toujours bien présentes dans ce magnifique « royaume » de Bavière.
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