Quiconque a le malheur d'immigrer une fois - une seule ! - restera toujours métèque toute sa vie, et étranger partout, même dans son pays d'origine. C'est notre malédiction à nous, immigrants.
J'appris vite que la mer peut laver le sable des vêtements,mais pas nettoyer l'angoisse de vivre dans un pays où, étant clandestin, tu vaux moins qu'un animal.
Etenesh signifie "tu es ma soeur".
Etenesh... C'est mon nom?
-Tes proches ne savent rien de ton histoire.
-Depuis que tu t'es échappée,tu n'as pris contact avec personne.
-J'ai fait l'esclave pendant plus d'un an.Je ne pouvais pas sortir,je n'avais rien le droit de faire.Seulement travailler.Tout cela pour 1000 dollars. À présent, je ne peux plus faire marche arrière.
J'ai vu mourir devant mes yeux 44 des 50 compagnons de voyage avec lesquels nous étions partis.Nous sommes restés deux semaines perdus au milieu du désert, sans eau, ni vivres.Les deux chauffeurs soudanais nous avaient abandonnés dans le désert.Ils nous ont dit d'attendre que deux autres voitures nous rejoignent pour continuer le voyage.Mais elles ne sont arrivées que deux semaines après...
Cependant si on part c'est qu'il n'y a pas d'alternative en Éthiopie. Il n'y a pas les conditions pour se sacrifier ou pour mourir car il n'y a même pas l'espoir d'un changement.
A présent la mort de l'un de nous, en Éthiopie, serait un sacrifice inutile.
L'ignorance et l'oubli sont des terreaux pour que se poursuive la violence.
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Le sable cingle le visage et se mêle aux larmes.
Le désert, la première fois que tu le vois, te rend muet.
Il est si grand que l'on ne peut même pas le rêver.
Tellement beau et parfumé que l'on ne peut se l'approprier.
Ces cicatrices que tu vois sur mon visage ont été provoquées par le sel, a dit le médecin qui m'a soignée à Lampedusa à peine arrivée sur le sol italien, du sel de tant de larmes que j'ai versées à Sabha.
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