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Critique de Tachan


Je savais avant de commencer cette lecture qu'avec elle, ça passait ou ça cassait. Elle avait déjà clivé tellement de lecteurs qu'impossible de rester insensible. Cependant, j'ajouterais une catégorie aux classiques « J'aime / J'aime pas », celle des « J'ai compris / Je suis restée sur le carreau » et j'ai majoritairement fait partie de cette dernière sans arriver à me déterminer sur le ressenti final que j'avais sur cette expérience. Voici donc la chronique d'une lectrice en perdition, telle une victime de Puck du Songe d'une nuit d'été (Shakespeare) auquel il m'a plus d'une fois fait penser.

Il faut dire que l'introduction d'Alan Moore vendait du rêve, peut-être trop… le monsieur après avoir pris tous les superlatifs de son dictionnaire avait grandement haussé mon niveau d'attente quant à la plume de Brian Catling, artiste sculpteur et cinéaste de son état en plus d'être écrivain, et je suis restée un peu sur ma faim. Il y a certes des passages brillants, ceux en général qui ont trait avec la matérialité charnelle qu'il veut donner à son oeuvre, mais il y a aussi bien trop de passages obscurs pour ne pas dire ampoulés et trop alambiqués sans que j'en ai vu l'utilité sur le moment. J'ai donc eu l'impression qu'on m'avait un peu survendu l'auteur et que « ça faisait bien » dans certains milieux d'aimer et que sinon je passerais pour une inculte au mieux, une aigrie au pire… Pourtant j'aurais aimé aimer, moi, l'amatrice de belles plumes.

Il y avait des promesses intéressantes avec cette mystérieuse Vorrh, une forêt merveilleuse et effrayante telle qu'elle est décrite par la 4e de couverture mais que j'ai trouvé fort peu présente pour ma part. Je m'attendais à ce qu'elle ait la première place dans l'histoire et ce ne fut pas le cas. Elle est longtemps l'objet de discussion, le sujet d'observation et bien trop peu le matériau d'exploration et de sensation que j'attendais. Les pages la mettant réellement en scène sont trop peu nombreuses. Je ne l'ai pas assez arpentée, je n'ai pas assez senti les frissons de ses dangers. C'est l'une de mes plus grandes frustrations.

L'autre promesse était de suivre d'étranges créatures démons, fantômes, cyclopes… Mais au final qui voit-on vraiment ? Surtout les humains qui rejettent et / ou craignent ce lieu singulier et un seul cyclope : Ismaël, qui est au coeur de l'histoire. Les autres, on en croise parfois, mais ils sont surtout là pour le décor pour le moment. Les vrais monstres, ce ne sont pas eux, ce sont les humains et ça, c'est bien fait. Même si je n'ai pas tout saisi, j'ai tremblé de l'expérience d'Ismaël dans cette étrange demeure où il est enfermé d'abord en sous-sol avec des professeurs – robots (?) puis à l'étage avec une condisciple qu'on avait peut-être pas bien préparer. Il y a une forme d'horreur, de body horror et de fantastique qui met très mal à l'aise, d'autant plus avec la plume de l'auteur qui se délecte de ces scènes malsaines comme s'il les absorbait. C'est très étrange et malaisant.

Cependant, en dehors du voyage d'Ismaël pour comprendre ses origines et d'un chasseur de Vorrh pour y survivre et en sortir (?) en suivant des murmures, je n'ai pas pipé grand-chose de l'histoire. L'auteur semble vouloir faire un lien entre cette forêt primitive et notre monde moderne – à quelle date ? je ne sais pas… je dirais fin XIXe mais sans preuve concrète même si ça fleure le steampunk et le freak show -. Il semble dénoncer aussi le colonialisme et ses violences sur les peuples et lieux d'origine, ce qui m'a rappelé le récent Killers of the Flower Moon, mais tout ça est bien flou et noyé sous tellement de pages incompréhensibles que j'ai lu pensant trouver la lumière sans jamais la trouver…

Je retiendrai quelques passages à la fois magiques et dérangeants comme lorsque le chasseur William se fabrique son arc à partir de sa bien-aimée Este, une sorcière décédée. L'auteur incarne littéralement la matière et lui fait prendre vie sous nos yeux. C'est saisissant ! Il fait de même lorsque son héros cyclope, Ismaël, a des relations sexuelles, là aussi il donne vie à la matière de la plus singulière des façons, au point qu'on a parfois l'impression de sentir entre nos mains cette chair qu'il se met à côtoyer de près avec passion. Mais c'est aussi brillant que malaisant.

Factuellement, c'est tantôt passionnant, tantôt longuet. On suit toute une flopée de personnages dont les histoires semblent déconnectées mais qui finissent par s'entrecroiser sans forcément qu'on mette quand même du sens sur l'ensemble. Ils vivent tous dans ou aux alentours de Vorrh dans une ville sud-africaine (?) où les tensions entre gens de la ville et créatures de la forêt devraient rappeler quelque chose. Comme on suit plein de personnages, certains en viennent à nous interpeler plus que d'autres. Ce fut le cas pour moi avec Ismaël et notre chasseur, mais également avec un certain photographe qui va côtoyer un institut rappelant le Bal des folles. Mais ça fait quand même patchwork ou cluedo géant et c'est perturbant. Il y a une forme d'addiction à poursuivre la lecture et tenter de faire s'emboîter ses pièces, c'est pourquoi je n'ai pas lâché l'affaire et ne la lâche pas au final.

J'ai le sentiment de vous livrer une chronique aussi incomplète que mes sentiments sur cette oeuvre, que j'ai l'impression d'avoir à peine effleurée. J'en ai trouvé certains passages brillants et d'autres artificiellement alambiqués. J'ai aimé suivre, même sans les comprendre, certains personnages en recherche d'eux-mêmes comme j'étais en recherche de l'histoire. J'ai cru cerner quelques thèmes profonds et puissants. Si quelqu'un a une grille de lecture, je suis preneuse, car si j'aurais aimé plus de lisibilité, moins de tournants alambiqués, plus de forêt et encore plus de créatures étranges. Je ne suis pas contre y replonger pour tenter encore de décoder M Brian Caitling mais j'ai besoin d'éclaircissements.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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