AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Pavlik


Pavlik
02 décembre 2014
Ce tome 20 des Tuniques Bleues est un peu à part dans le sens où il présente un aspect plus sérieux qu'à l'ordinaire, plus dramatique en somme. En effet, cette série est essentiellement comique même si elle se déroule dans un contexte difficile : la guerre de sécession. Pour autant, le travail de recherche des auteurs, s'appuyant souvent sur des faits authentiques, est à souligner, et on sent une réelle volonté de ne pas traiter ce contexte à la légère.

Avec Black Face, Raoul Cauvin va plus loin et choisit de regarder en face (sans jeu de mot) ce contexte en élaborant une histoire qui évoque les causes réelles de la guerre, dans ses aspects politico-économiques. On peut se demander pourquoi il fallut attendre le vingtième tome pour cela. Pour ma part, je trouve que le ton général de la série a évolué avec le temps, sans doute de façon concomitante aux ambitions des auteurs et c'est le temps qu'il fallait pour que l'idée arrive à maturation.

Rappelons que les nordistes font officiellement la guerre aux états du sud pour imposer l'abolition de l'esclavage. Dès le début de l'histoire, Cauvin balaye cet cause officielle et met en avant le réel motif qui est la volonté de certains politiciens du nord de s'emparer des richesses du sud. Il ne sombre néanmoins pas dans le cynisme le plus total puisque le général Alexander semble encore croire un peu à cette cause, une manière de nous dire que certains engagements ont pu être sincères. de plus, l'auteur a l'intelligence de mettre en scène, dans le rôle des pourris de service, les nordistes qui imaginent de se servir de Black Face (un des nombreux noirs engagés chez les yankees, employés aux basses oeuvres, bien que prétendument libres) pour fomenter une révolte des noirs sudistes, prenant ainsi l'ennemi entre deux feux. Mais, comme il est bien évident que l'on ne peut faire confiance à un "nègre", il sera accompagné d'une escorte, en l'occurrence Blutch et Chesterfield. Evidemment rien ne se déroulera comme prévu et lorsque Black Face décide que son combat l'opposera aux blancs, quels qu'ils soient, ce sont les yankees qui paniquent. Sentant la situation leur échapper, il décident d'employer une solution radicale pour en finir, s'enfonçant encore un peu plus dans le cynisme, certains diraient peut-être le "pragmatisme" en temps de guerre. L'évolution de Chesterfield, au cours de l'intrigue, est remarquable, lui qui a le don pour faire sien le discours officiel. Mais chacun sait que ce n'est pas la mauvais bougre et que, bien aidé par les piqûres de rappel de Blutch, il sait évoluer dans le bon sens.

Black Face est donc une évocation douce amère de l'imbrication du politique et du militaire en temps de guerre, tout autant que du racisme en général et des discours bien pensants qui le masquent. Un tome avec un peu moins de gags qu'à l'accoutumé mais qui nous offre une belle confrontation entre deux êtres que tout sépare (Chesterfield et Black Face) en forme de métaphore de la difficulté à remettre en cause les préjugés.
Commenter  J’apprécie          161



Ont apprécié cette critique (16)voir plus




{* *}