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Critique de berni_29


La Californie ♬, la Californie ♬
La Californie ♬, la Californie ♬

Quelle incroyable histoire, celle de ce fameux Johann August Suter ! Triste et merveilleuse à la fois...
Écoutez plutôt ! L'or - La merveilleuse histoire du général Johann August Suter est une histoire vraie, celle de la Californie, celle de la découverte de l'or en Californie, celle d'un homme dont les terres de Californie firent sa fortune et dont la découverte de l'or sur ces mêmes terres en fit sa ruine et peut-être sa folie aussi.
Il fallait tout le talent d'un chroniqueur comme Blaise Cendrars, tout l'art de savoir nous raconter une histoire, nous tenir en haleine jusqu'au bout du récit, comme s'il nous transmettait un conte.
Bien sûr, nous savons le terrible destin de cet homme, Johann August Suter, ce qui l'attend puisque son sort est déjà scellé dans le sous-titre du livre « L'or l'a ruiné ».
Mais qui était ce fameux Johann August Suter, qui n'était pas plus général que moi je suis chef d'escadrille ? Un Suisse germanophone issu d'une famille d'industriels, qui décide de laisser tout derrière lui, femme, enfants, dettes, zones d'ombres et de débarquer à New-York en 1834 à l'âge de trente-et-un ans. Laissez-lui le temps de traverser le continent américain, là-bas à l'ouest il va faire d'une contrée désertique peuplée de Mexicains et d'Indiens un eldorado fertile et prospère qu'il baptisera la « Nouvelle Helvétie ».
Tout va très bien durant plusieurs années, Johann August Suter est un riche et respectable propriétaire terrien, humain, attentif aux conditions de travail des personnes à son service. Il devient sans doute à cette époque-là l'un des hommes les plus fortunés du continent américain et peut-être même du monde. Tout va très bien jusqu'à ce matin de janvier 1848, lorsqu'un des ouvriers au service de son exploitation agricole donne un malheureux coup de pioche dans la roche, libérant une pépite d'or. Aïe ! Johann August Suter sent tout de suite que ce n'est pas bon du tout. Mais il ne faut surtout pas que ça se sache... « Chut ! Il faut garder le secret... N'en parlez à personne autour de vous ! Que tout ceci reste ici, entre nous... » Et que pensez-vous qu'il se fit ? En quelques heures, le secret va être éventé comme une trainée de poudre et des nuées de pauvres bougres affamés vont déferler sur ses terres comme la vérole sur le bas clergé breton... À partir de ce moment-là, tous les malheurs du monde vont s'abattre sur les épaules de Johann August Suter.
Séduit par cette ascension prodigieuse et cette désescalade insensée, Blaise Cendrars traite cet itinéraire à la manière d'un reporter, d'une chronique journaliste. Il a sans douté été séduit par ce paradoxe incompréhensible, le grand destin à la fois magnifique et dramatique d'un homme ruiné par la découverte de l'or sous ses pieds. Avouez, quand même !
Autour de ce destin incroyable, c'est aussi une peinture saisissante de cet épisode mythique de la ruée vers l'or et de la folie qui s'empara de ces hommes mus comme des vagues de bestiaux vers l'eldorado, devenant des brutes prêtes à tout, de pauvres hères saisis de cupidité vorace, de cruauté, cherchant la fortune, la découvrant aussi vite qu'ils auront rendez-vous avec la folie, l'ivresse de l'alcool, le malheur du monde et ses abysses de perdition...
Blaise Cendrars fait de cette biographie une fable étonnante qui en dit long sur l'humanité. Et au coeur de cette fable, de cette biographie sans doute romancée, surgit un personnage que Blaise Cendrars rend humain et pathétique, la figure tragique d'un conte antique, dont le destin lui échappe brusquement et à jamais. À croire que des dieux mal inspirés se seraient amusés à jeter un sort maudit à cet homme, à jouer avec lui comme si c'était une marionnette !
A priori, on pourrait penser que l'écriture de Blaise Cendrars ici n'a rien d'extraordinaire. L'émotion est tenue à distance. Mais il y a dans ce style vif et épuré quelque chose qui saisit cette histoire avec force pour en extraire une étrange et édifiante fulgurance, un peu comme un coup de pioche libérant une pépite d'or.

♬ Mais la Californie est si près d'ici
Qu'en fermant les yeux, tu pourrais la voir ♬
Du fond de ton lit ♬
La Californie ♬, la Californie ♬♬
La Californie ♬, la Californie ♬♬
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