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Critique de Chouchane


Fethiyé est turque, sa mère Vehbiye est la fille de Seher, la grand-mère chérie. Quand celle-ci meurt, on l'enterre selon la coutume musulmane et jusque là tout va le plus naturellement du monde. Seulement voilà, entre la naissance et la mort de Seher, il y a eu un génocide celui des arméniens. Après les cris et les barbaries, la mort donnée de mille façons, le silence a suivi. le silence des politiques, de certains intellectuels mais aussi des enfants d'arméniens enlevés. La grand-mère de Fethiyé est l'une d'eux. Seher, c'est Héranouche Gadarian, une petite arménienne qui vivait dans un village de 207 maisons à Havav. Son père n'est pas Hüseyin,c'est Hovannès et sa mère n'est pas Esma mais Iskouhi. Cette vérité mettra plus de 80 ans à être dite ! La narration - qui est un témoignage plus qu'un récit n'y cherchez pas de la littérature – s'organise autour de l'arbre généalogique d'Hiéranouche. On sent que l'auteur veut rendre compte d'une histoire par le menu, elle ne veut plus oublier. Il a sans doute fallu beaucoup de travail et patience pour arriver à tirer tous les fils d'une histoire que la vieille dame morte à 95 ans avait enfoui dans le secret de sa vie. On remonte le temps pour retrouver toute la famille, le père, la mère, les oncles et les tantes, les frères et les soeurs. Les plats cuisinés avec amour, les berceuses, les histoires pour enfants. Une partie des hommes de la famille Gadarian sont partis en Amérique pour y construire une nouvelle vie. Car déjà, bien avant le génocide, l'existence des arméniens est faite de pogroms, de massacres ponctuels. Un jour les hommes du village sont brutalement enlevés, tués, puis les familles emmenées sur les chemins de déportations ; des centaines de kilomètres à pieds pour finir en poussières dans les déserts de Syrie. La mort est au rendez vous mais Hiranouche et son frère Khoren vont être enlevés par des militaires. Ni aimé, ni malaimé, ils vont servir de domestiques à leurs familles turques. Seher/Hiéranouche va être marié à un homme dont elle aura des enfants. La vie s'écoule, Hiéranouche ne raconte rien, elle oublie même l'arménien sauf de temps en temps quand elle fredonne une mélodie venue du fond de sa mémoire. Elle est devenue une vraie turque mais n'oublie rien. C'est compter sans la curiosité et l'ouverture d'esprit d'une des ses petites filles Fethiye – Avocate et militante des droits de l'homme. C'est l'histoire qu'elle va découvrir qui nous est livrée ici mais pas uniquement, ce sont aussi les tentatives de ses parents de la récupérer (car sa mère va survivre et retrouver son mari aux Etats Unis). Khoren repartira mais elle, non car sa famille turque ne la laissera pas faire. Jusqu'au bout Hiéranouche va nourrir l'espoir de un des siens. Ce ne sera pas le cas, mais elle apprendra tout de même qu'ils ne l'ont jamais oublié et qu'aux Etats Unis une de ses nièces a été prénommée Hiéranouche en son nom.
Et puis il y a l'incroyable voyage du faire part de décès – que j'ai repris intégralement dans la rubrique citation. Fethiyé demande sa parution à Agos un journal bilingue turc-arménien. le rédacteur en chef– Hrant Dink (journaliste et écrivain turc d'origine arménienne assassiné par un nationaliste turc) va l'envoyer à Haratch quotidien des arméniens de France. Un ecclésiastique arménien lui-même originaire d'Havav le découvre et va faire en sorte de le diffuser plus largement. le faire part va arriver aux Etats Unis, va être lu par la famille américaine de Hiéranouche et les rapprochements vont se faire. Si la mémoire turque semble avoir oublié ces épisodes douloureux, espérons que le récit de la vie Seher donne aux turcs l'envie d'écrire une page vraie de leur Histoire.
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