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Critique de Virginieriaute


J'attendais avec une certaine impatience le dernier roman de Cetro. N'apparaissant désormais que très peu sur les réseaux pour nous gratifier de ses élucubrations, ses mots me manquaient.
Comme pour quelques rares auteurs, je ne lis même plus la quatrième de couverture ou un quelconque extrait, je fonce.
Très occupée professionnellement, j'ai commencé une lecture décousue. Terriblement frustrant lorsqu'il s'agit d'un tête-à-tête avec l'un de mes auteurs préférés...
Au tiers du voyage, j'ai finalement repris l'ensemble de ma lecture, une grande réserve de thé vert chaud, adirondack, plaid, lac, paysages vaporeux d'une fin d'après-midi, Portishead, Massive attack et Morsheeba afin de m'accompagner dans mon voyage dans les Balkans. Un rituel...Dark, so Dark...

Kanun. Il s'agit bien d'un thriller avec tous les codes du genre : le coeur qui s'accélère, les courses poursuites, arrêt respiratoire, enquête ( sans qu'elle soit menée par des policiers il n'y a jamais de flics dans l'univers de Cetro ) et twist final mais sans multiples triple axels casse gueule... On reste proche de la vraie vie, le ton est sombre, cruel, parfois cru mais ponctué par des élans lyriques et poétiques sans surenchères. le récit demeure sobre, réaliste. On peut également le qualifier de roman noir, ou même de littérature blanche avec une tranche de vie qui en embarque d'autres dans son sillage. Cetro n'entre pas dans une seule case, il a bien trop de talent pour cela.

Le Kanun, ou reprise de sang est le nom de code d'un droit coutumier inflexible et minutieux auquel se réfèrent encore aujourd'hui de nombreuses familles d'Albanie et du Kosovo pour venger leurs morts à défaut de tribunaux efficaces. Plus terrible que la loi du talion, cette vendetta peut toucher la descendance du « condamné ».

Si l'intrigue est très bien menée, elle m'apparaît comme secondaire, une toile de fond pour mettre en avant des thèmes qui sont chers à l'auteur, qui me sont chers et qui me touchent.
Comme souvent dans les romans de Cetro, l'intrigue est un décor, il sèmera dans son récit, d'autres sujets, sans forcer le trait, pour une lecture plus en profondeur.
La fraternité, l'amitié, la loyauté, le pardon, la rédemption, l'enfance et sa pureté sont des thèmes récurrents dans ses romans.
Il nous peint, comme chaque fois, un magnifique tableau rural, dans un style qui mêle, pudeur, humour, poésie, candeur et creuse avec justesse les rapports entre les différents protagonistes :
Les premiers émois, ceux dont on se souvient tous finalement, parce qu'ils avaient un goût de nouveauté, de découvertes, imprégnés d'attentes et d'espoirs. L'amitié qu'on se promet éternelle parce qu'elle n'a pas encore été troublée par le regard soupçonneux de l'adulte, pure, sans jugement à l'emporte-pièce, celle qui accepte les faiblesses de l'autre parce qu'on en attend encore si peu.
Les personnages principaux sont attachants parce qu'ils font du mieux qu'ils peuvent avec leurs faiblesses et leur détresse, pas de héros chez Cetro, des êtres humains, des vrais, complexes, avec leur paradoxes et leurs incertitudes...
J'ai aimé Mamie Shpata, j'ai aimé sa relation avec le jeune Zamir, j'ai été sensible à cet enfant solaire, à son empathie, à sa candeur. Comme souvent dans les romans de Cetro, il nous rappelle ce que nous avons été et ce que nous avons parfois oublié au bord de la route, peut-être à force de trop de coups dans la gueule...
La relation de Daran, personnage principal qui revient sur ses terres Albane après 18 ans d'exil, avec le jeune Zamir m'a émue, si juste, si puissante, si sensible. Il y avait dans ses descriptions quelque chose d'intime, de profondément humain et pudique, et c'est là que Cetro excelle.
L'intrigue est prenante, mais elle est passée au second plan pour moi. J'ai lu tellement d'autres choses derrière les mots de cet auteur de talent.
Chacun y trouvera donc son compte, j'en suis certaine.
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