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Critique de YvesParis


A 80 ans passés, Gérard Chaliand continue de nous faire visiter le monde avec ce mélange unique d'encyclopédisme fascinant et de partis pris militants. Son engagement en faveur de la cause kurde est ancien. Il remonte aux années 70. Dans un court essai qu'il co-signe avec Sophie Mousset, il brosse à grand traits l'histoire du peuple kurde tiraillé entre plusieurs Etats : la Turquie, la Syrie, l'Irak et l'Iran.
Comme le titre l'annonce, la question kurde se pose aujourd'hui en des termes renouvelés. La deuxième guerre du Golfe avait déjà créé au nord de l'Irak une zone autonome kurde en 1991. Grâce à elle le Kurdistan irakien a été épargné par la troisième guerre du Golfe. Son autonomie s'est accrue avec la chute de Saddam Hussein. Une république quasi-autonome existe désormais au nord-est de l'Irak, peuplée de près de 8 millions d'habitants avec Erbil pour capitale. C'est un ilot de tranquillité au coeur d'une région bouleversée par l'écroulement du régime baassiste, l'incapacité des forces d'occupation américaine à reconstruire un pacte national en Irak, la prise de pouvoir par le Chiites majoritaires, la marginalisation et la radicalisation des Sunnites.
Mais cette quiétude relative est remise en cause par l'irruption de Daech. le mouvement, qui plonge ses racines dans la résistance sunnite à l'occupation américaine de l'Irak et au nouveau pouvoir chiite, passe à l'attaque en Syrie et dans le nord de l'Irak à l'été 2014, prend Mossoul à une armée régulière irakienne que dix années d'entraînement par des instructeurs américains n'auront pas réussi à aguerrir et annonce l'instauration du califat sur les territoires qu'il occupe. Cette débandade fait un temps le jeu du Kurdistan irakien qui occupe sans coup férir Kirkouk et les territoires qu'il revendiquait sans succès jusqu'alors. Mais les forces de Daech poursuivant leur progression avancent jusqu'aux portes d'Erbil. La jeune république ne doit sa survie qu'à l'intervention de l'aviation américaine le 8 août 2014.
Aujourd'hui prévaut une guerre d'usure. Les Kurdes d'Irak tiennent un front de plus de 1000 km. le djihadisme salafiste qui anime Daech est loin d'avoir épuisé sa capacité de mobilisation. Mais la configuration du terrain et le soutien des Occidentaux l'empêchent de progresser. Il peut reporter ses efforts sur le front syrien où quelques poches kurdes résistent héroïquement dans la plaine de la Jezirah (Kobané, Qamishli, Afrin). La situation en Syrie est diabolique pour la communauté internationale : si l'objectif à long terme reste le renversement du régime criminel de Bachar al-Assad, la lutte contre Daech l'en distrait tandis que l'absence d'une opposition crédible l'en décourage.
L'attitude de la Turquie complique encore un peu plus l'affaire. Elle compte sur son territoire une communauté kurde nombreuse. Gérard Chaliand, qui la surévalue sans doute, la chiffre à 18 millions soit le cinquième de la population turque. Une répression armée féroce s'est abattue sur le PKK à partir de 1984. Elle s'est achevée par l'arrestation de son chef Abdullah Öcalan en 1984. La ré-islamisation de la Turquie sous Erdoğan la conduit à une certaine complaisance à l'égard de Daech avec lequel elle partage une hostilité commune aux Kurdes. Sa frontière avec la Syrie laisse transiter les djihadistes mais reste fermée aux peshmergas qui souhaitent apporter armes et munitions aux Kurdes de Kobané. Mais le score sans précédent du parti kurde HDP aux législatives du 7 juin 2015 change la donne, qui pourrait forcer Erdoğan, en mal de majorité absolue, à composer avec lui.
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