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Critique de JIEMDE


Un livre atypique, fort et riche, dont je ressors avec l'étrange impression que c'est un excellent livre, mais que je n'ai pas complètement saisi que c'était un grand livre, ce qu'une deuxième lecture, un jour, me confirmera sans doute.

Atypique, Une douce lueur de malveillance de Dan Chaon – traduit par Hélène Fournier – l'est assurément. D'abord parce qu'il est inclassable : ni polar, ni thriller, ni roman noir, ni drame psychologique… et en même temps, un peu de tout cela.

Bien sûr au début, le lecteur sera tenté de suivre le fil de l'intrigue de ces disparitions d'étudiants étrangement retrouvés noyés à des dates mystiques, sur lesquelles « enquête » Dustin Tillman. Aujourd'hui thérapeute, il a lui-même été marqué enfant par le massacre de ses parents, oncle et tante par son propre frère Rusty. Un drame familial fondateur dans la construction psychologique des différents protagonistes.

Que s'est-il réellement passé il y a trente ans ? Les disparitions d'étudiants sont-elles à relier aux rumeurs récurrentes de crimes sataniques qui hantent cette banlieue de Cleveland depuis des années ? À travers Dustin et son fils Aaron (dont le meilleur ami disparait à son tour), quel est le lien entre ces différentes affaires et époques ? Alternant chapitre après chapitre les allers-et-retours entre les époques, Dan Chaon fait méthodiquement avancer son intrigue. Mais doucement, tout doucement, car l'essentiel est ailleurs.

La force du livre réside en effet dans la richesse et la complexité des portraits que Chaon dresse et dans la façon - saine ou perverse - dont ils interagissent les uns envers les autres.

Celui de Dustin d'abord, adolescent en demande, influençable à loisir, ce dont ne se privent pas ses cousines Kate et Wave et même Rusty, sans savoir qu'ils le conditionnent à jamais. Entre réalité et fantasme, Dustin se perd toujours un peu plus dans les dimensions complexes dans lesquelles il évolue. Devenu adulte, cela ne s'est pas arrangé. Ce dont tout son entourage s'est aperçu. Sauf lui…

Autour de Dustin, tels des électrons s'agitant autour du noyau (faible), gravitent Aaron le fils, tentant de grandir dans l'indifférence générale entre drogue et alcool ; Aqil l'ancien flic un brin manipulateur qui convertit Dustin en enquêteur à deux balles ; et Kate, la cousine restée proche, dont la peur communicative n'arrange rien aux contradictions de Dustin. Et un peu plus loin, en deuxième rideau, il y a Rusty, désormais sorti de prison, et Wave dont l'absence ne peut masquer une omniprésente influence sur la vie de Dustin. Et comme la physique nous l'a appris depuis longtemps, quand tant de particules s'agitent autour d'un même noyau, la réaction ne tarde pas à se produire et est souvent détonante !

Une douce lueur de malveillance est le récit d'hier et d'aujourd'hui, de ces interactions déstabilisantes sur l'esprit déstructuré qu'est celui de Dustin, dont l'illustration est renforcée par la mise en page du livre souhaitée par l'auteur : à l'image des phrases rarement terminées de Dustin, les mots manquent parfois en fin de texte ; des espaces que le code typographique n'accepterait pas se glissent ci-et-là ; des mises en pages en colonnes et à trois voix apparaissent sans prévenir… Sans être fan de ces artifices, ils font incontestablement partie de l'oeuvre de Chaon.

Il reste au final une profonde réflexion sur les thèmes de la croyance, du mensonge, de la subjectivité, de la déstabilisation menant à la réalité améliorée et des bornes aux frontières mouvantes de ce que d'aucuns appellent la « vérité ». D'ailleurs comme le dit Dustin, « parfois, il y a un grain de vérité dans ce que les gens disent ». Cela n'est pas faux. Parfois…


Un grand merci à Léa et à son PicaboRiverBookClub comme à Albin Michel pour cette lecture en avant-première.
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