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Critique de Pasoa


Pasoa
23 décembre 2022
Publié pour la première fois en 1934 aux Éditions surréalistes puis chez José Corti, le Marteau sans maître n'est sans doute pas le plus accessible des recueils de René Char mais il est un moment essentiel dans la compréhension de son oeuvre.
En 1934, Sans totalement renier le surréalisme et ses valeurs, René Char prend ses distances avec le mouvement.

René Char est un homme de l'action autant que de la pensée, il est aussi un homme épris de liberté et de solitude. Dans le Marteau sans maître composé de textes en prose et d'aphorismes (dans Moulin premier, deuxième partie du recueil), l'écriture semble en mouvement perpétuel. Elle paraît disloquée, fragmentée, abrupte, vidée de sens… C'est comme si dans le poème, chaque mot ou presque, devait être utilisé dans son sens originel, unique, sans dépendance avec les autres.

" J'écoute marcher dans mes jambes
La mer morte vagues par-dessus tête

Enfant la jetée-promenade sauvage
Homme l'illusion imitée

Des yeux purs dans les bois
Cherchent en pleurant la tête habitable. " *

Sous la dissonance apparente des textes qui composent le Marteau sans maître, une impression apparaît, celle chez René Char d'une recherche de totalité, de vérité.
Chez le poète, le mot, la phrase sont à eux seuls une totalité, ils sont comme un espace, un sens qui s'ouvrent séparément, indépendamment. Né d'un silence préalable à son existence, isolé des autres, le mot agit comme une origine, une étincelle, une déflagration qui fait apparaître tout son sens, tout son potentiel d'évocation aussi. C'est en cela, que les textes fragmentés, morcelés du Marteau sans maître font apparaître une certaine unité, naître une portée singulière.

J'ai pour René Char et sa poésie un attachement tout particulier. Dans le Marteau sans maître qui préfigure tout ce que sera le reste de son oeuvre, je retrouve l'homme engagé, intransigeant, exigent, d'une générosité sans fard, au regard profond et lucide sur ses contemporains, sur le monde qui l'entoure. René Char était un poète profondément humain.
Pour preuve ce très beau poème extrait de Commune présence, un texte qui ponctue le recueil :

" Tu es pressé d'écrire
Comme si tu étais en retard sur la vie
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources
Hâte-toi
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance
Effectivement tu es en retard sur la vie
La vie inexprimable
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir
Celle qui t'es refusée chaque jour par les êtres et par
les choses
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques
fragments décharnés
Au bout de combats sans merci
Hors d'elle tout n'est qu'agonie soumise fin grossière
Si tu rencontres la mort durant ton labeur
Reçois-la comme la nuque en sueur trouve bon
le mouchoir aride
En t'inclinant
Si tu veux rire
Offre ta soumission
Jamais tes armes
Tu as été créé pour des moments peu communs
Modifie-toi disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave
Quartier suivant quartier la liquidation du monde
se poursuit
Sans interruption
Sans égarement

Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union. "


(*)  Bel édifice et les pressentiments, extrait d'Arsenal.
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