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Critique de fabienne2909


1996, à Lake Placid, petite ville de l'Etat de New York, pas très loin de la frontière canadienne, une jeune fille introvertie et rêveuse ne vit pleinement que lorsqu'elle s'évade dans la forêt, loin des autres mais pas seule puisqu'elle est accompagnée de son ami Parker, qu'elle rencontre la nuit, en cachette de ses parents. Dans son monde, elle peut enfin être elle-même, laisser aller sa sensibilité exacerbée et excentrique qui penche vers une certaine folie, vivre un trop-plein d'émotions, de peurs, d'angoisses, qui débordent et qu'elle n'arrivera à canaliser qu'avec de l'alcool, trop d'alcool, avant que la poésie ne la sauve. Une poésie qu'elle mettra en musique et avec laquelle elle rencontrera le succès… sous le nom de Lana del Rey.

Une vingtaine d'années plus tard, Lana del Rey parvient à obtenir un rendez-vous avec Joan Baez dans son ranch californien afin de lui proposer un duo lors d'un concert. Si la star du folk, qui ne chante plus, est d'abord réticente à l'idée de rencontrer la starlette aux yeux de biche et à la bouche extraordinairement (dans le sens premier du terme) ourlée, justement peut être à cause de l'image de poupée qu'elle renvoie, elle sera séduite par l'aura magnétique, le talent et l'intelligence de la chanteuse, au point de retrouver l'inspiration picturale qui l'avait désertée et de peindre son portrait…

Entre ces deux dates, par le biais de chapitre alternant les deux époques pour mieux les faire se rejoindre, Marie Charrel retrace l'ascension d'Elizabeth Grant aka Lana del Rey vers le statut d'icône de la pop sadcore, depuis l'enfer d'une adolescence vécue dans une bourgade qui étouffe les filles trop intelligentes et trop libres vers la lumière de la Californie. Il s'agit d'une biographie romancée, si bien que certains détails (la rencontre entre Lana del Rey et Joan Baez, le portrait que la seconde fera de la première, notamment) sont vrais, d'autres faux mais tout sonne étonnamment juste, tant Marie Charrel a su se mettre dans la peau de Lana del Rey, ou tout du moins ce que l'on peut s'imaginer d'elle en écoutant des morceaux comme « Video Games », « Summertime sadness » ou encore « Born to die ». Cette mélancolie d'un âge d'or que l'on est trop jeune pour avoir vécu, cette angoisse de ne pas savoir vivre sans se brûler au feu d'une personnalité trop border et différente est d'ailleurs retranscrite grâce à la poésie de Miss Grant ou d'extraits de chansons, pour être au plus près de la vérité, tout en restant dans la fiction.

Il en ressort un roman très poétique, un peu évanescent, superbement écrit (les deux premiers paragraphes, qui cueillent le lecteur pour l'emmener ailleurs, sont somptueux et ne vaudraient la lecture du roman rien que pour eux), qui retranscrit à merveille, notamment grâce à des emprunts à David Lynch venant lui donner une profondeur énigmatique, l'univers de Lana del Rey, mais aussi un peu celui de Joan Baez, celle-ci lui étant finalement assez proche dans cette vision désenchantée de l'Amérique et des promesses qu'elle n'a pas su tenir. L'émerveillement ressenti à la lecture des montagnes russes psychiques de Lana del Rey couplées à la synergie de rencontre avec Joan Baez a eu tendance à s'amoindrir arrivée au milieu du roman, mais c'est un petit bémol vraiment mineur.

Splendide et poétique, ce roman invite ainsi à l'onirisme, à une certaine forme de magie sensorielle et spirituelle. Il a été pour moi un véritable coup de coeur, et pas besoin d'aimer particulièrement Lana del Rey pour y être sensible. En revanche, j'ai trouvé que c'était un plus pour l'écouter, les émotions du roman venant se rajouter à celles ressenties pendant ses morceaux. Une belle expérience à vivre, que je vous invite à vivre, vraiment, pour un moment hors du temps et plein de grâce.
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