Tu ressens cette joie et tu la laisses te remplir. Parfois cela prend du temps. Longtemps. Parfois tu crois qu'elle ne reviendra pas mais elle finit toujours par réaparaître.
Il pense aux nuits passées à regader la Voie lactée, nommer les constellations, guetter une étoile filante.
-Non, cette fois ce n'est pas professionnel. En vérité, je n'ai pas vraiment acheté ce violon pour moi, mais je vous raconterai ça dans le train, c'est une longue histoire.
Les notes sautillent, joyeuses. Elles rebondissent les unes après les autres, se cognent et s'éloignent pour mieux se retrouver. Aimantées.
Pirouettes. Galipettes. Grand écart.
Être incomprise, différente, c’est dur.
Il n’y a d’amour pour elle que lorsqu’elle respecte les convenances, tous ces « il faut », ces « tu dois », ces « comme ci ou comme ça »...
La musique le traverse, s’étend dans la cathédrale, monte, s’envole dans le ciel des chapelles attenantes, se love dans les clés d’ogive avant de s’échapper à travers les vitraux.
L’assemblée entière est conquise, silencieuse.
La musique règne.
Tandis que ses doigts courent le long du manche et s’approchent du corps du violon, Lazlo sent la tristesse s’étirer dans les accords.
Son poignet leur insuffle une vibration mélancolique tandis que l’archet donne de l’ampleur à la plainte que tout l’instrument crie pour lui.
Rien ne peut mieux dire la peine qu’il ressent. L’expression juste de sa tristesse, de l’absence de celle qu’il aime, de sa solitude.
Dans le noir de la nuit d’été, le violon pleure ses notes qui se répètent et se répondent.
Quand il joue, il oublie …… Il est tout entier à la musique, dédié à elle qui exige son entière attention.
Les notes filent, le temps passe et il joue sans relâche. Il s’enroule dans la musique, se glisse dans la mélodie, frissonne quand le vibrato résonne, respire plus vite quand le rythme s’accélère, ferme les yeux quand il ralentit avant le final...
Dans la tiédeur de la nuit, l’archet accroche une première note.
Ronde, veloutée, elle s’étire et semble gagner le ciel avant d’ouvrir la voie à une envolée de croches.
Les doigts de Lazlo se lancent à l’assaut de la mélodie, ils sautillent, tricotent, entremêlent d’invisibles fils, montent et descendent dans un chemin fait de trilles, de vibratos, d’appogiatures, de glissandos.
Fascinantes, luminescentes, les notes explosent maintenant dans la nuit, tristes et joyeuses à la fois.
Elles sont habillées de cette âme gipsy dont Lazlo est pétri, mélange de mélancolie et d’une envie féroce de liberté et de vie.
Soudain, la cadence reprend son souffle, se fait tendre et douce, avant que l’archet ne reparte pour une nouvelle attaque.