Le roi habite la plus vaste de ces maisons. Les rares provinciaux de passage déposent devant sa porte des offrandes qui tiennent lieu d'impôts : un couffin de légumes, une volaille, un quartier de viande, un carré de tissu… C'est ce qui fait qu'il est le roi. On le laisse régner pourvu qu'il ne se mêle pas des affaires de ses sujets. De temps en temps, au fil des siècles, un roi parle de tracer des routes, de dresser les cadastres des propriétés, de recenser la population. Alors on l'égorge et on assied sur le trône de jonc tressé un villageois connu pour son indolence ou sa pusillanimité. On place entre ses mains un spectre en moelle de sureau, et on lui dit : "Ne trouble pas la paix du royaume, sinon gare à toi !"
Savez-vous que les seins d'Aïda sont parmi les plus belles choses que j'aie vues au monde, à égalité avec les tigres adultes et les petits chiens ?
Ecoute-moi; tu n'es qu'une petite fille, tu ne sais pas quel poids écrase le cœur des adultes, à l'instant même où ils abattent leur besogne en chantant. Tu l'ignores, mais ils comptent les jours, ils mesurent en secret le temps écoulé et celui qui reste à venir. Chaque instant leur est retranché... Pour eux tout printemps est un printemps de moins !
Signez, et mourrez comme bon vous semble ! Mieux encore, faites de votre fin une apothéose, une "performance", dirait-on outre-Atlantique. Est-on coupable de mourir ? Non, bien sûr ! Alors il faut rompre avec des pudeurs d'un autre âge comme avec les pratiques misérables qu'elles éternisent : l'attente angoissée du dernier souffle, le lit d'hôpital et le paravent des agonies, tout cela est inconfortable et indigne. De plus en plus on vit et on aime au grand jour. Pourquoi ne mourrait-on pas sous les feux de la rampe ?
Ce bonheur-là s'use comme toute chose au monde, à ce qu'on dit ...
... sa carrière brisée net. Elle n'aura pas connu de déclin.
Je n'étais jamais assuré que nous parlions de la même chose et que les mots revêtaient pour lui et pour moi la même signification [...] Il se produisait d'incessants glissements de sens, des croisements, des contaminations, des substitutions, des sauts de carpe de la raison, comme si l'on n'avait communiqué qu'au moyen d'à-peu-près, de jeux de mots, d'allusions obscures et pourtant transparentes. La vérité était là sous la surface, poisson phosphorescent dans l'eau noire des phrases.
Il faisait nuit. Nuit noire avec quelques étoiles jetées ici et là, pour dire que c'était le ciel puisqu'il y avait des étoiles, mais il s'agissait peut-être d'autre chose.
L'eau mouille, le feu brûle et le père déçoit. Quand je me fus enfoncé ces vérités-là dans la tête, l'existence dans son ensemble me devint plus facile.