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Critique de Eric76


Une Maman, au commencement de ta vie, c'est d'abord un roc, un géant, un corps droit, une fière silhouette, une voix énergique qui t'apprend, une odeur qui te rassure ; c'est une force qui te protège, qui te tiens, te fais avancer. D'elle, tu prends tout ; tu t'en imprègne comme une éponge ; c'est ton unique modèle, c'est ton repère, ton havre de paix, ta puissance tutélaire. Et quand tu arrives à ton apogée, tu assistes impuissant au lent mais irrémédiable déclin de ce monstre sacré. Les absences. Les hésitations. La voix qui se lézarde. Un beau matin, tu la trouves plus petite. Son corps se tasse, se ratatine, devient cassant comme du verre.
La Maman de la narratrice à quatre-vingt-douze ans, et elle sait désormais que sa bataille contre le temps, contre elle-même aussi, est perdue. Elle est tellement fatiguée ! Tout devient « trop loin, trop lourd, trop haut, inaccessible en un mot. » Pour celle qui fut sa vie durant une battante, une résolue, une opiniâtre, le corps fourbu, moulu, rompu a rendu les armes. La vieille voiture est vendue ; les courses sont faîtes par d'autres ; l'espace se rétrécit au point de devenir étouffant. Et puis après le corps, qui dit « que le lierre ne gagnerait pas la tête » ?
Alors, cette vieille femme libre décide de mettre fin à ses jours. Et pourquoi cette ancienne sage-femme qui donna naissance à tant de vies n'aurait-elle pas le droit de décider du moment où elle ferait halte ? C'est pour la fille que l'épreuve est la plus difficile. Comment admettre que son amour pour sa vieille Maman a moins d'attraits que la mort ? Il lui faut entreprendre un long cheminement, fait de révoltes, de résignations, d'abattements, avant de comprendre que choisir le moment de sa mort, c'est la liberté de sa Maman. Ce sera sa dernière leçon.
Vient alors pour cette fille désarçonnée le temps de l'accompagnement, le temps épouvantable du compte à rebours. On règle quelques affaires ; on a de grands et salvateurs fous-rires ; on s'échange les photos de famille et on se souvient ; on ne se prive plus de rien, et surtout pas de ces huitres qu'on avale goulûment ; on se fait les dernières confidences entre filles ; on meuble les silences…
Un livre dur, au style haché, à l'émotion à fleur de peau… Un livre difficile à lire parce qu'il nous renvoie à plein de choses qu'on ne voudrait pas voir, ou le plus tard possible. Un moment rare de lecture.
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