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Critique de gabb


gabb
07 février 2023
En première page, comme un heureux présage, une citation du maître, mon vénéré Jim Harrison.
Puis cette scène d'ouverture envoûtante et ma rencontre avec Elle, louve solitaire rôdant en lisière du monde, personnage étonnant, farouche, magnétique : il n'en fallait guère plus. Déjà j'avais compris qu'entre La Femme Paradis et moi, ça allait coller.

Pouvait-il en être autrement ?
Était-il possible de résister à cette histoire de survie nimbée de mystère, de ne pas se laisser embarquer par cette étrange ambiance de fin du monde et par cette héroïne incroyable, si forte et si singulière, de ne pas succomber au charme effrayant de cette survivante qui "s'est aventurée trop loin des hommes pour pouvoir revenir" ?
Aurais-je pu rester insensible aux descriptions superbes, aux évocations puissantes d'une nature brute, âpre, impitoyable, à la fois grandiose et violente, chargée d'une "fureur franche, sans cruauté ni morale" ?
Bien sûr que non.

D'Elle on ne sait presque rien. Ni son nom, ni son âge, tout juste la profession qu'elle exerçait (infirmière) avant l'avènement du chaos et l'initiale (P.) de l'homme qu'un jour elle aima.Quand et comment le monde a-t-il basculé ? Que s'est-il donc passé pour qu'elle choisisse de rejoindre les "chemins noirs de l'oubli", préférant "la violence du monde sauvage à celle des hommes" ?
Là n'est pas l'important. Tout ce qui compte aujourd'hui, c'est de survivre à l'apocalypse, de se fondre dans le décor, de sécuriser la grotte et de s'approprier un territoire, de connaître et de surveiller chaque recoin de la forêt, d'aiguiser cet instinct primaire dont elle a fait sa meilleure arme pour affronter les mille dangers du dehors.
Faire silence, guetter l'intrus, rester à l'affût.
Attendre.
"En forêt, chaque jour est une saison, un enseignement de lenteur. On apprend mieux quand on regarde survenir les choses".

Ainsi Pierre Chavagné jongle-t-il savamment entre violence et grâce, alternant avec brio les séquences de grande tension et les passages plus contemplatifs, propices à la réflexion et au vagabondage de l'esprit.
Très vite le lecteur prend conscience de la menace diffuse, il comprend les routines mises en place par cette femme ensauvagée (dont il a néanmoins du mal à apprécier le degré de folie...). Bientôt il se glisse avec elle dans la peau de l'animal blessé, il tremble en entendant au loin le bruit d'une détonation, il s'extasie sur la danse d'une truite ou la beauté d'un ciel au crépuscule, réaffirmant ainsi sa dernière part d'humanité (l'homme n'est-il pas "le seul être de la création à s'émouvoir d'un coucher de soleil" ?)

Très belle trouvaille, donc, que ce petit roman déniché au hasard d'une masse-critique (grand merci à Babelio et aux éditions "Le mot et le reste" !)
Je garderai de cette Femme Paradis le souvenir d'un texte intense, fulgurant, savant mélange de poésie et de bestialité.
Puisse-t-il rencontrer le succès qu'il mérite et éclairer de nombreux lecteurs quant à la véritable nature des forces qui les animent et les tiennent debout.
Oui, "l'amour existe, sinon nous ne servons à rien".
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