Tout jeune, c'est avec cet ouvrage que j'ai découvert
François Cheng et la pensée sous-jacente à la peinture chinoise. Cet essai m'avait profondément marqué et c'est avec lui que je m'étais exercé pour la première fois au Shan shui, littéralement « montagne et eau », un style de peinture traditionnelle chinoise alliant expression littéraire et picturale au travers de la représentation d'un paysage naturel.
Comme le rappelle l'auteur, « en Chine, de tous les arts, la peinture occupe la place suprême. » C'est sans doute parce que nulle autre expression artistique ne possède une telle dimension syncrétique. Au travers de cet essai,
François Cheng nous présente les éléments essentiels de la pensée philosophique et esthétique chinoise, mettant l'emphase sur une notion centrale, celle du Vide, avant de l'illustrer à partir de l'oeuvre du célèbre Shitao, plus connu en France sous le nom de Moine Citrouille Amère, artiste peintre, poète et calligraphe de la dynastie Qing. Cette seconde partie m'avait parue à l'époque un peu plus cryptique, et ce n'est que bien plus tard, grâce à l'influence de
Fabienne Verdier, que j'ai redécouvert Citrouille-Amère avec la traduction de ses propos et les commentaires de
Pierre Ryckmans.
Après des préliminaires brossant rapidement l'évolution de l'art pictural au travers des dynasties chinoises, c'est donc au Vide que
François Cheng consacre l'essentiel de son essai. le Vide est un pivot autour duquel s'articulent toutes les formes artistiques (peinture, poésie, musique, théâtre) et même notre quotidien. Que serait la musique sans les silences entre les notes ? A quoi servirait une cruche sans le vide qui caractérise son usage ? de même, le vide structure la peinture et permet aussi de comprendre la philosophie et la cosmogonie chinoises. Cheng décortique les dualités (Pinceau-Encre, Yin-Yang, Montagne-Eau, Homme-Ciel), cite
Lao-Tzu et
Confucius, mais aussi Matisse et Ryckmans, nous emmène en voyage guidé dans les paysages peints et les poèmes qui les accompagnent, ne manquant pas d'offrir de nombreuses images pour accompagner ses propos.
Un essai érudit et lumineux, relu avec grand plaisir.