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Critique de Fleitour


Dès les premières page du livre, Ma part de Gaulois, je suis remué par l'énergie débridée, qui s 'écoule le long de la rue Raphaël, à Toulouse, ébloui par ces défis lancés à mettre le feu par les mots, je me suis laissé emporter.

Ce premier défi : "Magyd,  écris nous la légende des quartiers," scandé par toutes les filles, résonne, s'amplifie depuis la page 9 jusqu'à la page 259, une dernière page qui lui offre le titre de son livre.

" Être leur pyromane avec des mots me chauffait les neurones" p9, cette intention exprimée d'une façon si insolite, et si spontanée comme un souffle vital a retenu l'attention du Goncourt.

Aurait-il été mérité, ce prix ?

Je préfère ce slogan dédié aux gamins de ces quartiers nord de Toulouse, je préfère ces mots appris avec l'aveuglement du sourd dans les plis de Madame Bovary, je préfère l'émotion de sa maman quand elle lui dit enfin en français mon chéri (avec son r roulé),
oui je préfère ce livre à ce Goncourt offert à celui qui, de la Villa Médicis, puis dans les bibliothèques de Damas, puis dans celles de Barcelone, fait le portrait d'un viennois qui a peur d'affronter sa vérité et qui réclame de l'opium.

Redresser la tête, se tenir droit debout, en affrontant son histoire tels se dessinent, les contours du livre de Magyd Cherfi ; "j'ai fait de mon fardeau des ailes, de mes blessures un bouclier, de mes fêlures identitaires deux richesses dans lesquelles s'est engouffrée la seule idée qui vaille, l'universel."

Tiraillé, un peu schizo, "habité par deux histoires qui se faisaient la guerre, deux familles hostiles, deux langues irrémédiablement opposées", le Kabyle et le Français, Magyd jongle pantin « bancal », fait rire les filles, leur envoie même des poèmes, et se fait arroser d'insultes par les garçons, dont la seule ambition est le ballon, le ballon de foot.

Magyd sait rire et faire rire, tout est prétexte à dérision, alors les mots s'envolent, flirtent avec l'essence de notre langue, devenir "la plume de béton et des cages d'escaliers," ou exprimer l'émotion "elle était belle à s'en mutiler les yeux, l'incarnation du soin, rebouteuse de mon âme bosselée."

Le livre raconte la vie, leur vie, la vraie, les peurs, les angoisses, les illusions comme les désillusions, faire changer un quartier par le théâtre, réaliser du soutient scolaire et pire avoir son Bac, le 1er du quartier nord , c'est susciter la haine, la jalousie mais aussi des moments de folie, des moments de pur bonheur quand "une jeune fille enquillée de lunettes larges et ovales
qui ouvre le bal avec un extrait de Richard III.
D'une voix calme et profonde à la fois, elle a balancé des braises tout autour d'elle.
Elle vivait si bien son rôle qu'il nous semblait que des flammes sortaient de sa bouche, j'ai grande ouvert la mienne, étourdi.p182"

Ce livre est un cadeau, un espace d'humanité au sens de François Cheng, où l'âme d'un quartier est rendu perceptible, elle n'est pas noire, comme le corbeau, dans la lumière on retrouve toutes les nuances de la vie, toutes les couleurs de l'espoir.

Oui on sort malmené , secoué d'un tel livre, c'est peut être ce que l'on demande le plus à un livre, trouver les mots pour rire, pleurer, se dresser, se lever, se mettre "en mouvement"p210.

Non je n'oublierais pas Samia, Hyacinthe, Momo, Samir, Driss, Hélène, Agnès, Hakima, Hasnia, Bija, et tous les autres.












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