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Critique de kbd


kbd
06 juillet 2013
« Nos petits vieux » : ben oui, après tout, ils sont partout, de plus en plus nombreux, presque complotistes comme le souligne Legof citant Groland, donc difficile de faire sans eux au moins une fois, dans K-BD.
Se profile alors facilement le profil (sic) tendre et gentil du petit vieux tout moelleux, tout gâteux, un peu nostalgique, et plein de secrets.
Pervers Pépère aurait pu secouer ce cocotier, mais la rédaction en a décidé autrement. Heureusement que son pote Léon la Came a pu s'inviter dans la partie.

Oubliez les boudoirs trempés dans une tasse de thé d'une main tremblante par des nonagénaires amnésiques : Léon aime tremper bien d'autres objets dans bien d'autres contenants, et ce ne sont pas ses cent ans presque sonnés qui l'empêcheront de mener sa barque où il l'entend.

Une barque qui partit des grèves ouvrières des années 30, pendant lesquelles « Léon le rouge » (merci Mitchul) soutint ses employés pour revenir un beau jour au beau milieu de la famille Houx-Wardiougue, en passant sans doute par des contrées exotiques, des tatoueurs, des femmes par-dessus la tête, bref, une vraie vie.

« Chez les Houx-Wardiougue, les révolutions on n'aime pas trop trop ça », annonce Badelel. Pas quand on s'appelle Aymard, en tout cas, fils de Léon (Léonce pour les non-intimes), tyrannique patriarche et repreneur à poigne de l'entreprise familiale. Autant dire qu'il ne voit pas l'arrivée de son père (mais est-ce bien lui ?) d'un bon oeil.
Au contraire, une gé-génération plus loin, Géraldo-Georges (Gégé, pour les intimes) ne sait pas encore que le retour du vieux prodigue résoudra, entre autres, ses problèmes de transit.

Vous trouvez cette entrée en matière bizarre ? Legof parle d'histoire « abracadabrantesque », et il a raison ! Car tout, dans Léon la Came, est placé sous le signe de l'étrange et de l'exagération, à l'image de son personnage principal, « un personnage absolument sensationnel » pour Lunch, « un électron libre (plutôt vicelard) » pour Mitchul. « Ce qu'il fait le mieux : laisser les gens penser qu'il les soutient pour mieux les briser de la façon la plus vicieuse qui soit », précise Badelel.
Bref, un individu parfaitement fréquentable, sorte de redresseur de tort prenant le parti des opprimés (autrefois les ouvriers, aujourd'hui son petit-fils au transit passablement chaotique) contre l'égoïsme économique ou publicitaire.

A histoire et personnages atypiques, narration atypique : « parcellaire, (elle) met en exergue la dimension satirique du récit », pour Mitchul. Legof rajoute même que grâce aux « éléments savamment distillés (…) on ne s'ennuie jamais. » Lunch la trouve plutôt laborieuse : on lui doit le fait que « le récit tarde à se mettre en place », et qu'il n'est donc pas facile d'y entrer.

Autre matière à déception pour notre Lunch national, qui avait pourtant trouvé le casting Sylvain CHOMET (monsieur Triplettes de Belleville)- Nicolas DE CRECY (monsieur Bibendum céleste, et légitime contestataire des Triplettes citées juste avant) alléchant : le dessin. Il « n'est pas parvenu à (l)'emballer comme à son habitude (…), (il) laisse l'impression d'une immersion dans un rêve plutôt que dans une réalité. » Il faut bien reconnaître qu'entre ses hallucinations auditives et sa consommation de cannabis, le père Léon a bien des raisons de mériter un tel traitement graphique !
Badelel a elle aussi eu du mal à se laisser porter par le dessin, qui pose une « ambiance pesante, soutenue par un trait dense et des teintes qui balancent entre le sépia sombre et le turquoise aseptisé. »
A l'opposé, totalement élogieux, Mitchul souligne le talent de DE CRECY comme « physionomiste hors pair » et n'hésite pas à convoquer « une esthétique proche d'un ENSOR ». Il faut dire qu'il considère le dessinateur comme « le meilleur dessinateur de bande dessinée contemporaine. »
Plus modéré, Legof reconnaît que le dessin « pourrait paraître difficile à certains » à cause de « l'abondance de traits », mais admet qu'il est toujours d'une grande « justesse ».

Léon la Came n'a laissé aucun d'entre nous indifférents, et il faut bien admettre que le sentiment global est plutôt positif, voire exalté, essentiellement grâce aux personnages phares et à la critique sociale qui sous-tend tout l'album. Badelel avoue « se passionner pour cette famille méprisable que les auteurs ont caricaturé à l'excès », Legof apprécie l'« humour décalé et surprenant », Lunch souligne « une critique sociale contre le capitalisme », et Mitchul l' « ode à la vieillesse, qui n'est pas automatiquement synonyme de décrépitude et d'inadaptation. » Pour ma part j'ai apprécié, entre autres, la densité de l'histoire familiale des Houx-Wardiougue, coincée « entre le marteau politique des années 30 et l'enclume ultra-libérale des années 90. »

Ce récit haut en couleur ouvre une trilogie satirique et sociale qui a disséqué avec précision les moeurs de la France du siècle dernier, Laid pauvre et malade et Priez pour nous venant compléter ce tableau précis, cruel, drôle et grinçant.

Quelques petites formules choc pour finir :
Badelel: « c'est tout simplement jubilatoire. »
Champi: « le ton est mordant, fait souvent sourire en grinçant des dents, car le propre de la comédie humaine est de gratter là où ça fait mal. »
Legof: « un arrière grand-père comme on en aimerait tous. »
Lunch: « un sentiment mitigé. Un récit un peu laborieux mais somme toute plutôt génial. »
Mitchul: « qui ne souhaiterait pas vieillir comme Léon, conserver cet esprit indépendant, rebelle, fantaisiste ? »

A vous d'en juger en vous plongeant dans le duel qui oppose l'homme d'un siècle à tout un monde.
Lien : http://blogkbd.wordpress.com..
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