AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Fleitour


Quand on est confronté à la confusion, à la perte de la notion du temps, fichtre! On se sent partir, mais où, victime ou responsable d'un mal dont les éléments sont si incohérents, que le mot de folie vous transperce.
Et si cette folie venait de ces médicaments que l'on vous a prescrits pour vous sentir mieux ?


"Étrange Univers du Schizophrène" est bien là, dans cet espace, tout près de cette folie, de cette confusion des sens, "nous n'étions plus capables, hypnotisés par ce que la masse voulait faire de nous des êtres incapables de conscience, se dit-elle page 150."


Le livre de Sophie Chrizen, tourne inlassablement autour de notre façon actuelle de traiter, de soigner, d'écarter les malades en les ficelant à un lit, à une médication, à un au-delà pareil à ce visage de la première de couverture où les sens sont couverts de bandages, la tête prête à être momifiée.

Mais est-il possible de concevoir une autre façon de soutenir ceux qui plongent dans l'angoisse et la confusion, est-il possible qu'un psychiatre soit autre chose qu'une officine délivrant des molécules dont lui-même est incapable d'expliquer comment elle fonctionne, ou ce qu'elle produit d'isolement et d'exclusion.


À travers deux personnages Sophie considérée comme malade de schizophrénie, et le médecin embourbé par des études si longues et si peu pratiques, Sophie Chrizen nous offre la possibilité de recueillir toute la complexité de ce dialogue, toutes les impasses, toutes les incompréhensions, parfois la colère de l'une ou de l'autre, de l'un ou de l'autre des deux personnages.


Il y a tant de phrases qui font mouche, et de questionnements inachevés, que l'on pourrait reprendre cette phrase, et lui donner un caractère universel :
"dans un asile psychiatrique, la différence entre un interne et un interné n'a que l'épaisseur d'un accent aigu."p 93


Je repense à ce médecin dans une spécialité particulière, s'amusant à claironner qu'il est pété de thunes. Ici, l'auteur mettant en scène page37, le congrès des spécialistes en psychiatrie, écrit, "on soigne les non malades maintenant ça devient n'importe quoi, je peux virer un tiers de mes malades, s'ils étaient simplement capables d'appliquer quelques consignes non médicales."


Plus loin page 59 elle explique,"deux ans de consultations avec une unique réponse à n'importe laquelle de mes questions, la panacée universelle : les cachets !
Ah le bon docteur Cachet, l'ami de van Gogh !


Les dialogues sont parfois pleins d'ironie, page 37 ;
"Ah vous avez sorti les trois singes ?
Il vous embêtaient ? Ils n'étaient pas sages ?
Ce que je sais, c'est qu'ils représentent la sagesse. Ils disent, ne dit rien, ne voit rien, n'entend rien et il ne t'arrivera que du bien"
ou bien "Confucius en a donné une autre interprétation devant la politesse, de pas regarder, ne pas écouter, ne pas parler, ne pas bouger.
Sophie ajouta à la politesse dans votre cas on pourrait substituer folie » devant la folie de S...
A la fin de l'entretien le médecin avait doublé la dose de j'Esperidone

Faut-il punir à ce point l'impertinence ?

Après les nombreux ouvrages que j'ai pu lire sur ces molécules, mis à part ceux destinés à provoquer le sommeil, à l'occasion de circonstances graves, les autres molécules ont des effets secondaires très rarement annoncés, mais surtout ils offrent des prisons de carrelages blancs, dont le patient est incapable d'émerger.


J'aime écouter Boris Cyrulnik et son bon sens quand il exprime l'idée que scientifiquement la psychiatrie est balbutiante. Certes les traitements les plus honteux, comme les électrochocs, ne sont plus d'actualités aujourd'hui. Mais ces molécules ne sont-elles pas? Plus néfastes encore en isolant le malade en lui ôtant toute autonomie pour des décennies.

Comme je suis heureux de voir une femme sortir de ces ombres, de ses cauchemars pour revenir à la lumière.

Ce livre est d'une étonnante actualité, car il est encore temps de ne pas céder à toutes ces molécules.
Un livre qui vous colle à la peau, à l'écriture vive, fluide, envoûtante comme toute incursion dans l'au-delà, un voyage dans les sombres remous de l'âme.

Électrochoc a été remplacé par le traitement par sismothérapie
terme bien plus chic que choc.
Commenter  J’apprécie          456



Ont apprécié cette critique (43)voir plus




{* *}