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EAN : 9791097547172
170 pages
les chemins du hasard (21/06/2018)
4/5   18 notes
Résumé :
Sophie Chrizen est l'anagramme de schizophrénie. A la suivre attentivement pendant les vingt ans qu'elle a mis à guérir de sa schizophrénie, on n'aurait pu qu être frappé par la relation extravagante qu'elle entretenait avec sa psychiatre. Ce personnage de roman, à la double personnalité, va se croire tour à tour la malade et la soignante. Ce dialogue avec cet autre moi, elle s'y investira à tel point qu'elle expliquera plus tard que c'est elle qui a analysé la psyc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Parce-ce que le mot "schizophrénie" à lui seul porte toute la crainte qu'il provoque chez les autres, l'auteure en a créé une judicieuse anagramme : Sophie Chrizen, malgré ses crises, fait déjà moins peur. Les médias ont tellement véhiculé d'images négatives, de cas extrêmes ayant conduit à la mort de victimes, qu'il serait facile de faire des amalgames, et de généraliser.

À chacun sa schizophrénie et la manière dont elle se manifeste. J'avais eu l'occasion de lire sur le sujet le petit livre autobiographique de Stéphane Cognon « Je reviens d'un long voyage, Candide au pays des schizophrènes », qui m'avait beaucoup touchée. Son discours aussi tendait à prouver que l'on peut dompter ses démons, y survivre et construire ou reconstruire sa vie.

Ici, Sophie nous promène entre elle et son psychiatre Sophie, et le lecteur devient à son tour schizophrène, hospitalisé sous la contrainte, apeuré par les autres qui déambulent au gré de leurs pathologies. le lecteur devient apathique sous camisole chimique, brouillard épais d'abord, puis éclaircies progressives. le lecteur est inquiet, mais analyse de l'intérieur comme de l'extérieur, à l'image du patient qui cherche à comprendre. C'est quand même lui le premier concerné, non ? D'ailleurs, et si la solution était en lui ?

Mais à chaque nouvelle crise, c'est la vie qui bascule, les études qui sont interrompues, les amitiés qui s'évaporent, la famille qui soutient comme elle peut, et les espoirs qui fondent.

L'analyse des traitements traditionnels et de leurs conséquences est finement menée, sachant que pour chacun le seuil thérapeutique diffère, tant de facteurs entrant en jeu. L'écriture est fluide, l'humour et l'autodérision parfois aident à mettre à distance ces inconnus qui gravitent autour du malade et pourtant l'isolent plus que jamais : ces créations mentales, ces hôtes inopportuns.

Sophie nous entraîne malgré nous dans son univers, où les pensées par moment désunies se relient malgré tout à la vie. Elle n'élude pas la consommation durant sa jeunesse de Cannabis. Malgré la plasticité du cerveau, Il se repose la question de l'impact de cette consommation chez le jeune et sa part de responsabilité dans la décompensation de la maladie.

Alors, comment vivre avec ces autres « Moi », sans que cela n'impacte trop sur le quotidien ni n'empêche la vie sociale et professionnelle ? Surtout, comment éviter que ces voix soient noires et maléfiques et ne guident sur la mauvaise voie ?
Entre méditation en pleine conscience et psychologie positive, il existerait des moyens de contrer ces perceptions et hallucinations, de les transformer en pensées agréables, de les maîtriser, voire de les faire disparaître.

Existe-t-il une alternative réelle ? Médecine traditionnelle ou Médecine parallèle ? La recherche avance, et les bienfaits de la méditation ne sont plus à démontrer ; de là à supprimer tout traitement chimique, je ne suis pas habilitée à me prononcer, mais chaque cas doit être étudié, et dans la balance pesés les effets secondaires délétères.

Certains schizophrènes stabilisés deviendront des Pairs-Aidants au sein d'associations pour lutter contre la stigmatisation des patients.

Puisse cet ouvrage contribuer à faire évoluer les mentalités.
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Quand on est confronté à la confusion, à la perte de la notion du temps, fichtre! On se sent partir, mais où, victime ou responsable d'un mal dont les éléments sont si incohérents, que le mot de folie vous transperce.
Et si cette folie venait de ces médicaments que l'on vous a prescrits pour vous sentir mieux ?


"Étrange Univers du Schizophrène" est bien là, dans cet espace, tout près de cette folie, de cette confusion des sens, "nous n'étions plus capables, hypnotisés par ce que la masse voulait faire de nous des êtres incapables de conscience, se dit-elle page 150."


Le livre de Sophie Chrizen, tourne inlassablement autour de notre façon actuelle de traiter, de soigner, d'écarter les malades en les ficelant à un lit, à une médication, à un au-delà pareil à ce visage de la première de couverture où les sens sont couverts de bandages, la tête prête à être momifiée.

Mais est-il possible de concevoir une autre façon de soutenir ceux qui plongent dans l'angoisse et la confusion, est-il possible qu'un psychiatre soit autre chose qu'une officine délivrant des molécules dont lui-même est incapable d'expliquer comment elle fonctionne, ou ce qu'elle produit d'isolement et d'exclusion.


À travers deux personnages Sophie considérée comme malade de schizophrénie, et le médecin embourbé par des études si longues et si peu pratiques, Sophie Chrizen nous offre la possibilité de recueillir toute la complexité de ce dialogue, toutes les impasses, toutes les incompréhensions, parfois la colère de l'une ou de l'autre, de l'un ou de l'autre des deux personnages.


Il y a tant de phrases qui font mouche, et de questionnements inachevés, que l'on pourrait reprendre cette phrase, et lui donner un caractère universel :
"dans un asile psychiatrique, la différence entre un interne et un interné n'a que l'épaisseur d'un accent aigu."p 93


Je repense à ce médecin dans une spécialité particulière, s'amusant à claironner qu'il est pété de thunes. Ici, l'auteur mettant en scène page37, le congrès des spécialistes en psychiatrie, écrit, "on soigne les non malades maintenant ça devient n'importe quoi, je peux virer un tiers de mes malades, s'ils étaient simplement capables d'appliquer quelques consignes non médicales."


Plus loin page 59 elle explique,"deux ans de consultations avec une unique réponse à n'importe laquelle de mes questions, la panacée universelle : les cachets !
Ah le bon docteur Cachet, l'ami de van Gogh !


Les dialogues sont parfois pleins d'ironie, page 37 ;
"Ah vous avez sorti les trois singes ?
Il vous embêtaient ? Ils n'étaient pas sages ?
Ce que je sais, c'est qu'ils représentent la sagesse. Ils disent, ne dit rien, ne voit rien, n'entend rien et il ne t'arrivera que du bien"
ou bien "Confucius en a donné une autre interprétation devant la politesse, de pas regarder, ne pas écouter, ne pas parler, ne pas bouger.
Sophie ajouta à la politesse dans votre cas on pourrait substituer folie » devant la folie de S...
A la fin de l'entretien le médecin avait doublé la dose de j'Esperidone

Faut-il punir à ce point l'impertinence ?

Après les nombreux ouvrages que j'ai pu lire sur ces molécules, mis à part ceux destinés à provoquer le sommeil, à l'occasion de circonstances graves, les autres molécules ont des effets secondaires très rarement annoncés, mais surtout ils offrent des prisons de carrelages blancs, dont le patient est incapable d'émerger.


J'aime écouter Boris Cyrulnik et son bon sens quand il exprime l'idée que scientifiquement la psychiatrie est balbutiante. Certes les traitements les plus honteux, comme les électrochocs, ne sont plus d'actualités aujourd'hui. Mais ces molécules ne sont-elles pas? Plus néfastes encore en isolant le malade en lui ôtant toute autonomie pour des décennies.

Comme je suis heureux de voir une femme sortir de ces ombres, de ses cauchemars pour revenir à la lumière.

Ce livre est d'une étonnante actualité, car il est encore temps de ne pas céder à toutes ces molécules.
Un livre qui vous colle à la peau, à l'écriture vive, fluide, envoûtante comme toute incursion dans l'au-delà, un voyage dans les sombres remous de l'âme.

Électrochoc a été remplacé par le traitement par sismothérapie
terme bien plus chic que choc.
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La schizophrénie, on la connaît sans la connaître : on a bien tous en tête quelques films, ou quelques faits d'actualité, dans lesquels les schizophrènes tiennent généralement le rôle de l'assassin qu'on aurait dû enfermer plus tôt.

Il ne faut pourtant que quelques pages à ce livre pour nous obliger à faire table rase de nos connaissances (ou plutôt devrait-on dire nos clichés) sur la question, et à écouter avec humilité ce que l'auteure a à nous dire.

Le sujet le plus frappant est celui des traitements. On est plus proche du bombardement massif que de la frappe chirurgicale, en espérant toucher assez de mauvais trucs pour que ça en vaille la peine, et en croisant les doigts pour ne pas toucher d'autres trucs dont on a quand même besoin pour vivre. Les neuroleptiques atténuent bien les délires et les hallucinations, mais également les sentiments de joie, d'amour, de plaisir, de colère, etc. Si on prend encore en compte les nombreux effets secondaires, on comprend à quel point prendre son traitement, et rester convaincu de sa pertinence, dans la durée, est un véritable challenge pour le patient.

J'ai été également beaucoup intéressé par les crises au quotidien. le passage sur le voyage en ski entre amis, particulièrement, m'a beaucoup marqué. On suit, progressivement, toutes les pensées qui se mettent en place dans le processus. Sans que rien de trop spectaculaire ne se passe pour les amis en question finalement, on assiste, médusé,­ au fourmillement des pensées qui partent dans toutes les directions, sans frein, dans la tête de Sophie.

On sort du livre avec un sentiment d'impuissance, pour soi, et d'espoir, pour les personnes schizophrènes. Impuissance à réaliser que tellement de choses reposent sur leurs épaules finalement – accepter que le traitement ait un sens, se persuader qu'on sera quand même mieux avec (ou malgré) le traitement que sans, prendre conscience soi-même que quelque chose ne va pas et arrêter la spirale à temps – et qu'à part « être là », on ne peut pas faire grand-chose. Et espoir, car finalement, elles ne sont pas si démunies que ça, et qu'il est possible de vivre avec ce trouble, chose que je pensais impossible avant de commencer ma lecture.
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Voilà un bien étrange livre que son auteure, Sophie Chrizen, m'a proposé. Sous son titre singulier, "L'étrange univers du schizophrène" propose une immersion au coeur d'un esprit malade désormais en paix avec lui-même. Sous l'aspect de l'auto-fiction, ce récit explore les contrées de la folie schizophrène en abordant, non sans humour, le quotidien de l'auteure avec son lot d'épreuves et d'émotions. Expliquer et comprendre le mal de l'esprit de façon instructive et réelle, voilà l'objectif de Sophie Chrizen. Présentation...


De ce parcours sinueux qui débute par une prise de conscience forcée de ses parents, la jeune-femme enchaîne les consultations avec une psychiatre fraîchement diplômée. Volontaire et passionnée, la médecin ne tarde pas à rendre compte de la réalité du métier : l'incitation médicamenteuse au détriment d'alternatives à défaut de recherches, peut-être plus saines.

En abordant ces palliatifs malsains, influencés par les lobbys pharmaceutiques, celle-ci égratigne ces groupes géants et tout-puissants, insistant sur la désillusion des jeunes diplômé.es comme la résignation et l'accommodement des médecins accomplis. Savoureux !

En entamant un traitement qui l'anesthésie psychiquement, la jeune-femme atteinte de schizophrénie décrit avec force les conséquences sur sa vie personnelle et estudiantine, effaçant progressivement tout lien social. Alors que les médicaments, censés lui redonner l'espoir d'une vie retrouvée, sinon normalisée, ceux-ci produisent l'effet presque contraire. le trouble déjà présent s'installe, jusqu'à confondre la psy et la patiente. Et si elle ne formait qu'une ? Balloté entre ces deux individus née la confusion, déstabilisant le lecteur. Et s'il s'agissait d'une mise en situation de l'esprit de l'auteure ? Parfois perdue par ces deux personnalités ambivalentes, Sophie Chrizen brouille les frontières afin de ne révéler qu'une seule et même personne.


De son regard ironique à souhait, celle-ci profite de cette tribune pour dénoncer le traitement et le regard des professionnels de la santé sur les malades : condescendance, prises en charge relatives ou encore abrutissement par voie légale... Alors comment faire pour s'en sortir ? L'auteure se tourne alors vers les médecines alternatives et utilise ce qui est à sa portée, à savoir la méditation et la psychologie positive.

Avec une connaissance plus accrue de son psychisme, elle parvient, non sans difficulté, à occulter la voie médicamenteuse pour préférer celle, plus saine, de la méditation.

Fluide, concise et parfois déroutante, l'écriture de Sophie Chrizen tend à démontrer que rien n'est insurmontable. le chemin est souvent long et semé d'embûches, mais pour quels résultats !

Un grand merci à l'auteure pour cette surprenante auto-fiction.

Quelle est donc la pâtisserie associée au livre ? Pour le savoir rdv sur le blog !

Podcast Youtube à retrouver sur la page Babelio de l'auteure : https://www.youtube.com/watch?v=Jiegw3wz6k0
Lien : http://bookncook.over-blog.c..
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Il existe, dans des librairies, des livres qui s'imposent à vous, comme une évidence, L'étrange univers du schizophrène ne fait pas partie de cette catégorie... Il y a des auteurs qui décident de croiser votre chemin et qui vous font découvrir leur univers, Sophie Chrizen fait partie de ceux-là.
Lorsque j'ai reçu son livre, j'ai tout de suite été émue par la photo de cette femme, par son regard espiègle et déterminé. Je savais, au fond de moi, que ce livre n'allait pas être comme les autres, qu'il m'attendait et allait finir par s'imposer à moi, comme une évidence. Je me suis donc empressée de finir mon livre en cours pour plonger dans l'univers de cette étrange Sophie Chrizen. Nos échanges, pendant ma lecture, ont confirmé l'image que je me faisais d'elle, si fragile en apparence mais si digne et lucide.
Lucide… ce mot n'a-t-il pas été banni du vocabulaire médical concernant son cas? Car oui, Sophie est schizophrène. Décelée et diagnostiquée à 17 ans, son univers s'écroule. Et pourtant, elle ne manquait ni d'amour, ni d'ambitions. Incompréhension générale, délitement du cercle amical et social... Brillante étudiante en biologie, elle se verra contrainte d'abandonner son cursus universitaire pour se consacrer à sa maladie. Dès lors commence un long processus de guérison, alternant phases d'extrême lucidité, de bouffées délirantes, de profonde dépression... de ce dédoublement de personnalité, Sophie en fera sa force. Se croyant tour à tour la malade et la soignante, elle analysera factuellement les comportements de l'une et de l'autre, permettant ainsi d'ouvrir la voie de sa guérison. Mais son parcours n'en demeure pas moins sinueux. Lors de l'internement de Sophie, je me suis surprise à ralentir ma lecture. Je cherchais à déceler tous ses maux au travers de ses mots. Et j'ai senti une colère sourde poindre en moi, due au manque de prise en charge des malades, à leur maintien dans l'ignorance la plus totale...
"Deux ans de consultations avec une unique réponse à n'importe laquelle de mes questions, la panacée universelle : les cachets!"
… à leur isolement extrême
"Les visites ne me réconfortaient pas, mon coeur était verrouillé par les drogues dont on me gavait et ne laissait plus entrer aucune lumière."
… à leur déshumanisation
"Ils m'avaient finalement changée de section, je passais donc en zone libre. […] Dans cette zone ouverte, on autorisait les résidents à porter autre chose que le pyjama bleu obligatoire."
Et pourtant, la cruelle évidence s'impose à nous. le corps médical se voit souvent confronté à ses propres limites : quelques molécules chimiques pour apaiser des maux souvent insondables car trop profonds. Et pourtant, le mal a dit, le mal a expliqué mais
"[…] ils n'entendent pas la musique qu'ils prennent pour des symptômes et veulent juste couper le son."

Ecrire sur son parcours, expliquer sa maladie a été un acte de courage, une démonstration de force inégalable car oui, ne nous cachons pas sous trop de légèreté, la schizophrénie fait peur. Mais bien au-delà de la maladie, c'est la mauvaise prise en charge des patients qui est effrayante.
Ne nous y trompons pas, Sophie Chrizen est une auteure, une vraie. Pas de celles qui viennent vomir sur la place publique leur histoire, aussi terrible soit-elle. Non, Sophie a trop de talent pour cela. Sa plume est ciselée, ironique, sûre, cassante. Toute son écriture insuffle une force et une énergie incroyables. Alors, on lit son histoire, on entre dans son univers et on se voit forcé de constater que le vrai courage, la vraie volonté et le vrai dynamisme sont de son côté.

Lien : https://mespetitescritiquesl..
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Avaler une pilule était systématiquement un moment douloureux. Chaque gramme de drogue que j’ingurgitais remettait en question le fondement de ma pathologie et du traitement même. J’avais du mal à digérer qu’on soignât une anomalie que l’on ne nommait pas, par des poisons dont on ne connaissait pas grand-chose. Je souhaitais secrètement qu’elle eût été assez futée pour me prescrire des placebos.

Le mystère dont [la psychiatre] faisait preuve dans les entretiens rendait cette hypothèse réaliste. Parfois j’arrivais même à me persuader que c’en était, ce qui rendait ma prise acceptable. « C’est juste du sucre, Sophie, ce n’est pas dangereux, et tu n’as rien ! » La thèse du placebo était renforcée par l’inefficacité de ces pilules en termes de guérison. Les effets secondaires, eux, par contre, étaient bien réels. Mais pour me rassurer et conforter mon hypothèse, je me disais qu’ils étaient dus au choc de l’annonce de mon statut de « malade mentale ». La simple évocation d’un diagnostic de dérèglement psychique aurait été si puissante qu’elle aurait pu entraîner chez moi : un dégoût et une injustice abyssale tels, qu’ils auraient déclenché une série de symptômes : aménorrhée, cauchemars, taux de testostérone qui grimpait en flèche, fatigue intense, fringales, douze kilos en trop, tremblements parkinsoniens, problèmes pour uriner, autant de signes palpables d’un dérèglement. Et pourquoi pas ? La force de ce jugement de ce que j’étais par mes semblables, cette position de folle serait plus nocive que la pathologie elle-même. Ou alors était-ce la chimie des médicaments finalement ? J’étais perdue. Je n’étais pas suivie, mais égarée, sûrement. C’était insupportable de penser que les seules manifestations visibles étaient dues aux molécules de synthèse et non à la maladie. Cette pensée ne faisait qu’amplifier mon mal-être, mon sentiment d’injustice, l’idée même que c’était la prise de médicaments qui me rendait malade. Participant largement au fait que certains soirs, je décidais de ne pas les avaler. Chaque prise contribuait aussi à alimenter ma dépression.
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Imaginez que vous dites quelque chose à quelqu’un et qu’il ne vous entend jamais. Quelle serait votre réaction ? Vous allez répéter avec emphase ? Vous allez peut-être devenir agressif ? Vous allez peut-être vous mettre en colère, non ? Vous allez devenir fou comme ils disent ? Imaginez maintenant un patient qui vous chante un air sans arrêt, par exemple : sol, sol, si, si, la, si, sol. Vous, vous l’écoutez, vous y croyez, vous êtes capable de répéter : « Oui, sol, sol, si, si, la, si, sol. » Mais ça ne marche pas, la scène se reproduit indéfiniment, il ne guérit pas, vous ne comprenez pas pourquoi. Pourtant, vous êtes persuadés que vous avez bien écouté et vous l’avez reproduit. La vérité, c’est que vous ne l’avez pas entendu, durant tous ces entretiens, non, vous êtes passés à côté. Ce qu’il vous fredonnait, ce n’était pas simplement « Sol, sol, si, si, la, si, sol » mais c’était "À la claire fontaine" qu’il voulait vous transmettre. Vous voyez, c’est ça qui rend fou. Vous voyez ? Vous y avez pensé à ça ? Et si l’apparition des manifestations psychotiques était liée à cette dénégation des messages du fou ? Comme si vous étiez incapables de comprendre ce que le mal a dit ! C’est cette approche qui manque aux psys, ils sont trop rationnels, cartésiens. Ils n’entendent pas la musique qu’ils prennent pour des symptômes et veulent juste couper le son.
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On me demandait de prendre les pilules presque sans y penser. Avaler des drogues était difficile, ne pas y réfléchir, j’en étais incapable. Croire qu’un problème mental se résoudrait sur la simple prise d’un traitement alors même qu’on ne savait quasi rien de la chimie de cette étrangeté ni de celle du remède, semblait invraisemblable.
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Les fous avaient la faculté de voir juste, ils débusquaient l'injustice partout ou elle se cachait, les aberrations de notre société leur paraissaient parfois tellement gigantesques qu'ils avaient du mal à comprendre comment les "normaux" s'y conformaient sans aucune sorte de rébellion.
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Dans un asile psychiatrique,
la différence entre un interne et un interné
n'a que l'épaisseur d'un accent aigu.
p 93
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