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Critique de Goliathus


Enfin un roman qui redonne des couleurs à la bonne « vieille » hard SF !
Tout y est : une spéculation scientifique et technologique détaillée et explicite (vive la physique des particules), la cohérence des extrapolations, les personnages attachants, le surgissement de héros réels de la philosophie et de la science (antiques et contemporains), et le retour d'un des thèmes cultes de la SF : le premier contact avec un intelligence extraterrestre. Ceci ne constitue pas véritablement un spoiler, puisque les éditeurs eux-mêmes ont eu l'idée extravagance et malheureuse de dévoiler en 4e de couv. l'une des clés mystérieuses du roman, alors que Liu Cixin s'était remarquablement attelé à en retarder la révélation ! Heureux ceux qui n'ont pas lu la 4e avant d'entamer le Problème à Trois Corps.
Quel titre ! Tout simplement génial : à la fois énigme scientifique, conjecture intellectuelle et promesse littéraire tenue !

En lisant LPà3C, j'ai eu l'impression de revenir 30 ans en arrière, quand, jeune étudiant ivre d'espaces interstellaires, je dévorais les romans d'Arthur C. Clark. J'ai retrouvé à chaque page la même excitation, et ce transport qui nous fait interrompre la lecture d'un chapitre, lever les yeux, contempler entre les rideaux entrouverts une fraction de la voûte céleste où frétille, derrière la pollution lumineuse, quelque étoile vulnérable, lointaine, déjà morte peut-être qui nous invite à imaginer des ailleurs et des rencontres extraordinaires. Et si...

Le roman est superbement construit nous faisant naviguer d'une époque à une autre, d'une conscience à une autre et d'un environnement réel à une simulation.
Il y a une chose en particulier que j'ai appréciée, c'est la façon dont Liu a choisi d'individualiser le premier contact : à deux moments clés du récit, l'humanité de la voie lactée et l'autre intelligence parmi la constellation du Centaure vont être incarnés par un seul être vivant, un être unique placé devant un choix qui engage la totalité de son genre, un individu seul face à une décision où s'opposent raison et sentiments, la tyrannie de l'autorité qui l'accable et son libre-arbitre, les démons du dehors et ceux de son âme.
Parlant de genre, Liu a choisi une femme pour représenter notre humanité. Elles sont rares dans la littérature de SF. Saluons ce choix ; même si l'héroïne en question se montre bien cruelle. Espérons que les tomes suivants aiguiseront sa complexité.
C'est d'ailleurs un des reproches que je ferais au roman, la psychologie de ses personnages insuffisamment approfondie.
Le second reproche concerne la vision résolument pessimiste du "first contact". La science fiction moderne s'est construire sur des peurs et des menaces et rares sont les auteurs qui ont exploité tout le potentiel de ces rencontres merveilleuses sans circonscrire leur imagination à une idée ou un sentiment de violence. (A ce sujet, lire ou relire Ted Chiang)

Je ne m'attarderai pas sur la dimension politique du roman, notamment la vision de la révolution culturelle par un des écrivains les plus populaires en République populaire de Chine, au regard des récentes déclarations de Liu Cixin au sujet des persécutions du gouvernement chinois contre la minorité Ouïghours. Ses déclarations ne le grandissent pas et nous obligent à relativiser sa critique du passé.
Le problème de la séparation de corps entre oeuvre et artiste se pose une nouvelle fois. J'ai choisi de les séparer afin d'apprécier un moment de lecture particulièrement plaisant. Il est à mon sens tout à fait possible de privilégier la valeur esthétique d'une oeuvre, tout en prenant ses distances avec les valeurs éthiques de son auteur. Il serait dommage de passer à côté d'un roman d'un telle ambition. Pour ma part, j'ai hâte de lire les 2 prochains tomes.
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