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Critique de Presence


Ce tome est le seizième dans une série qui en compte 19, et qui forme une histoire complète ; il vaut mieux avoir commencé par le premier tome. Il est publié dans le sens japonais de lecture (de droite à gauche), en noir & blanc. Il a été réalisé par le collectif Clamp : Nanase Ōkawa, Mokona, Tsubaki Nekoi, et Satsuki Igarashi. Initialement ces 19 tomes ont fait l'objet d'une prépublication de 2003 à 2011, au Japon.

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- ATTENTION - Ce commentaire révèle des éléments de l'intrigue des tomes précédents.
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Ce tome comprend 5 chapitres de longueur inégale. Chapitre 1 - Watanuki se réveille dans son lit, où il a été transporté par Dômeki. Ce dernier se souvient encore de Yûko. Laissant Watanuki se reposer, il va papoter avec Mokona sur le patio. Watanuki en profite pour arpenter les pièces vides de la boutique. Chapitre 2 - Watanuki reçoit une cliente dans la boutique. Elle est aveugle, elle porte un kimono traditionnel et des geta (socques japonais). Elle a apporté son shamisen, sorte de luth japonais ; il est recouvert en peau de chatte. Il s'est tu et la cliente demande à Watanuki de retrouver ce qui lui manque.

Chapitre 3 - Dans une séquence onirique, Watanuki rencontre une femme qui lui dit "Frappez moi !". Chapitre 4 - La cliente revient et essaye le bachi (plectre) que Watanuki a trouvé dans la boutique. Chapitre 5 - Watanuki a une discussion avec monsieur Haruka, le fantôme du grand-père de Dômeki.

Le tome précédent avait apporté un changement majeur et radical dans la répartition des rôles des personnages, tout en étant dans une étape logique et préparée de longue date dans la série. Comme dans le tome précédent, la frontière est ténue entre les évidences patentes et les explications superfétatoires. Les Clamp continuent sur le même principe narratif : montrer la lente maturation de Watanuki, ainsi que toutes les phases par lesquelles il passe, même si elles sont évidentes.

Le lecteur découvre donc comment il s'adapte au changement radical survenu dans le tome précédent. Cette composante du récit constitue le prolongement naturel d'un des principaux thèmes de la série : le changement. D'un côté le lecteur apprécie de voir Watanuki osciller d'une phase à l'autre des 5 étapes du changement (déni, colère, marchandage, dépression, acceptation). Les Clamp mettent en scène avec habilité le fait qu'il ne peut que se plier aux méthodes de Yûko, jusqu'à fumer sa pipe et se mettre à consommer de l'alcool, tout en composant avec sa propre personnalité (sa difficulté à fixer le juste prix, la bonne compensation). Ces séquences forment une peinture subtile de la mise en pratique des enseignements d'un aîné, de manière appliquée et consentante, tout en devant composer son propre caractère.

De l'autre côté, le lecteur ressent une pointe d'exaspération aux rappels chroniques de l'existence d'un deuxième oeuf dont Dômeki identifiera le bon moment pour l'utiliser, aux apparitions cryptiques des Shaolan, à la personnalité toujours aussi superficielle de Dômeki, et aux facéties dénuées de sens de Maru et Moro. Les explications de Mokona n'éclairent rien, radotant sur des prophéties déjà énoncées plusieurs fois.

À condition de se plier à cette façon de raconter toujours aussi idiosyncrasique, le lecteur découvre ce à quoi il s'attendait (Watanuki a repris la boutique à son compte), tout en partageant ses sentiments grâce à une narration générant une forte empathie. Il peut ainsi éprouver l'amitié sincère dont bénéficie Watanuki de la part de Dômeki, d'Himawari, et de Kohané. Il ressent le réconfort qu'éprouve Watanuki à se parer du châle au motif de papillon ayant appartenu à Yûko, à fumer sa pipe, à se lover dans son fauteuil, etc. Même si tout le tome est empreint d'un sentiment de tristesse diffus, le lecteur ressent une forme de confort du fait d'éléments récurrents comme le motif de papillon, les moments passés à cuisiner, l'évocation d'un manga classique (Mokona s'est mis une aile de Gundam sur la tête), la consommation de saké, etc.

Les Clamp introduisent également une forme de boucle lorsque Watanuki ou Mokona reprennent à leur compte des aphorismes de Yûko. Par exemple : les phénomènes les plus troublants sont insignifiants, s'il n'y a pas un humain pour les voir. Ou encore : le hasard n'existe pas ; tout est inéluctable. le récit montre à la fois l'inéluctabilité du changement, mais aussi la répétition de certains schémas.

Les Clamp savent aussi ménager plusieurs surprises, qu'il s'agisse de Watanuki retrouvant ses lunettes (pourquoi en a-t-il à nouveau besoin ? Mystère.), de l'apparition des 2 Shaolan, d'une femme demandant à Watanuki de la frapper (le sous-entendu sexuel est incontournable), ou encore la discussion avec monsieur Hakura. La conclusion de cette scène est porteuse d'une émotion à vif, quand Hakura déclare à Watanuki que s'il croit très fort qu'il va la revoir, alors il ne doit rien faire qui pourrait la faire pleurer.

Du point de vue visuel, le lecteur retrouve également les idiosyncrasies des Clamp : des visages délicats, des tenues vestimentaires soignées, des personnages élancées à la sensualité présente, sans être écrasante. Dans ce tome, elles se sont plus investies dans la représentation des décors et des arrières plans (même s'il reste quelques tunnels = plusieurs pages consécutives sans décors). le thème du papillon apparaît de manière discrète et chronique, comme un leitmotiv visuel.

Afin de marquer la rupture dans l'intrigue, les Clamp ont modifié la place des pages couleurs. Jusqu'alors tous les tomes commençaient par 4 pages en couleurs. Ici, ces 4 pages sont divisées 2 par 2, en pages 51 & 52, et en pages 56 & 57, marquant ainsi le saut dans le temps de quelques années en avant. Les Clamp réalisent également une magnifique séquence muette de 6 pages (pages 130 à 135) quand la cliente se met à jouer du chamisen, magnifique mise en scène, délicatesse exquise des dessins.

Une seule constante : le changement. Les Clamp continuent inexorablement de narrer l'évolution de la maturité de Watanuki, dans une cohérence narrative totale, avec une empathie remarquable, des personnages délicats sans être fragile, pleins de grâce, sans rien changer des particularités de leur façon de raconter.
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