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Critique de Presence


Ce tome est le dix-septième dans une série qui en compte 19, et qui forme une histoire complète ; il vaut mieux avoir commencé par le premier tome. Il est publié dans le sens japonais de lecture (de droite à gauche), en noir & blanc. Il a été réalisé par le collectif Clamp : Nanase Ōkawa, Mokona, Tsubaki Nekoi, et Satsuki Igarashi. Initialement ces 19 tomes ont fait l'objet d'une prépublication de 2003 à 2011, au Japon.

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- ATTENTION - Ce commentaire révèle des éléments de l'intrigue des tomes précédents.
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Ce tome comprend 4 chapitres de longueur inégale. Chapitre 1 - Dans la boutique, Watanuki reçoit la visite du lapin lunaire, spécialiste de l'entretien des pipes et vendeur de tabac. Puis il reçoit la visite de la veuve noire (voir tome 8) qui vient pour demander ses services : elle souhaite qu'il retrouve une perle rouge. Chapitre 2 - Watanuki pratique les arts divinatoires avec une bassine d'eau et un fil d'araignée (laissé par la veuve noire) pour déterminer où se trouve cette perle rouge.

Chapitre 3 - Ayant découvert où est la perle rouge, il se rend dans l'appartement en question, en passant par le domaine des rêves. Il découvre un lieu saccagé, et une jeune fille battue. Chapitre 4 - le jour de son anniversaire, Dômeki donne une leçon d'ethnologie à Watanuki : il lui explique l'origine des propriétés mystiques attribuées aux fleurs de pêcher.

Watanuki est donc installé dans son rôle de nouveau responsable de la boutique et voilà venir une cliente... avec laquelle il a déjà eu maille à partir. Les Clamp se lâchent un peu en dépeignant une veuve noire sensuelle et entreprenante. Elle reste longiligne comme les autres personnages. Seule la noirceur de ses yeux indique qu'il ne s'agit pas d'un être humain. Elle est vêtue tout de noir, avec des bottes montantes et un juste-au-corps mettant bien en avant le haut de ses cuisses et le haut de sa poitrine. Elle s'affale dans le lit de Watanuki à la fois disponible et maîtresse de la situation. Elle est entreprenante et n'hésite pas à se rapprocher de Watanuki pour le toucher et se coller à lui. D'un point de vue visuel, la veuve noire est une grande réussite tant de par son apparence simple et efficace que par son langage corporel de séductrice et de femme fatale.

Le lapin lunaire n'est pas particulièrement kawaï, par contre les pages montrant l'entretien de la pipe sont oniriques à souhait. Les Clamp rendent avec délicatesse et justesse l'apparence de Watanuki en train de jouer du shamizen, concentré et classique dans son superbe kimono. le dernier chapitre permet d'admirer moult fleurs de pêchers fragiles et magnifiques, ainsi qu'une apparition surnaturelle agressive et d'autant plus laide par comparaison aux fleurs.

Les conditions de vie de la jeune fille battue relève de l'insalubrité et du taudis. Là encore les Clamp savent introduire le détail qui touche un point sensible dans le coeur endurci du lecteur. Il ne s'agit pas d'être réaliste, mais de concevoir les images qui sauront faire naître l'émotion recherchée. Dans le monde très bien délimitée et propre sur lui de cette série, voir une pièce jonchée de débris et des murs sales suffit à provoquer une sensation de taudis. Voir une jeune fille avec un pansement sur le genou et des cheveux mal entretenus suffit à provoquer une impression de maltraitance, par comparaison avec le reste des personnages toujours propres et élégants, sans rien qui dépasse.

Arrivé au dix-septième tome de la série, le lecteur ne s'attend pas à un bouleversement majeur, mais à un changement en douceur dans la continuité. Il retrouve donc les composantes bien établies de la série : cuisine (qui reprendra des mocchi au soja ?), coupe d'alcool (encore un verre d'alcool de patate douce ?), goût pour le tabac (non seulement Watanuki fume la pipe, mais Dômeki s'est mis à la cigarette), personnages secondaires sympathiques mais superficiels (Dômeki, Mugetsu le renard en tube, Mokona, Maru & Moro, le renardeau aux oden), l'oeuf jumeau mystérieux, des allusions aux contes et légendes japonais (de la fleur de pêcher à la sirène Yaobikuni).

Le lecteur guette les aphorismes philosophiques qui étrangement se font attendre. Certes Yûko n'est plus présente pour les énoncer, mais Watanuki ayant pris la suite, il semblerait naturel qu'il s'y emploie. Il y a bien le thème de faire un choix qui apparaît, mais c'est tout.

Il faut donc ronger son frein pour se rendre compte qu'il n'y aura pas de maxime prête à l'emploi, mais plutôt une réflexion de la veuve noire sur la petite fille maltraitée. Elle déclare que l'enfant avait choisi de ne plus soigner ses blessures, de souffrir pour exister, qu'elle ne veut plus vieillir et qu'elle attend quelqu'un qui partager sa vie. Quand la veuve noire demande à Watanuki s'il est encore humain, le lecteur comprend que la situation de la jeune fille sert de miroir à celle de Watanuki qui lui aussi a choisi de se cloîtrer pour ne plus vieillir. Il n'est pas possible de deviner si les Clamp envisage sa situation comme celle de la condition d'adulte, ou s'il s'agit plus du refus de faire son deuil (en l'occurrence du départ de Yûko). Par contre, il est sûr que le comportement et les choix de Watanuki relève d'une forme de sacrifice dont la validité fait l'objet d'un questionnement au travers de ce tome.

Décidément les Clamp refusent la facilité. Alors qu'elles auraient pu conclure tranquillement leur série avec quelques tomes montrant Watanuki résolvant plusieurs affaires et devenant légitime dans sa nouvelle position de propriétaire de la boutique, elles continuent de mettre en scène les conséquences du changement, même les plus ténues. le choix de repartir sur une affaire surnaturelle imprime un rythme agréable au récit, sans rien enlever à la sensibilité exquise avec laquelle elles sont capables de faire émerger les sentiments les plus subtils. Ce tome s'avère d'autant plus goûtu que l'aspect graphique gagne un peu densité pour des pages enchanteresses.
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