J'étais habitué à me taire, à me faire tout petit et silencieux pour qu'il m'oublie quand il rentrait du travail et qu'il commençait à picoler. Parfois, ça marchait. Parfois, non. J'étais, malgré tout, devenu une espèce d'ombre, que ce soit chez moi ou en cours. Ma seule folie était ma participation au journal de l'école, sous un nom de plume. J'avais trop peur qu'on sache que j'écrivais. Si mon père apprenait que je préférais cette activité de chochotte au football… Ce serait l'horreur
La beauté a ce quelque chose de dangereux et hypnotique qui fait de sa victime le plus sombre des idiots. Combien d’inconscients se sont laissés charmer par la splendeur du feu avant de s’y brûler ? Noah Ryder est un incendie. Je ne dois pas l’approcher au risque de m’enflammer et de m’y consumer. Il soufflera alors sur mes cendres, se demandant d’où peut bien venir ce nuage de poussière calciné.
Il y avait des gays au lycée. Des gars qui ne se cachaient pas comme je le faisais. Ils avaient l’air de bien le vivre. Ils n’étaient pas mis au banc de la société, sauf par quelques idiots obtus qui les regardaient comme s’ils étaient des aliens dangereux. J’aurais pu me joindre à leur groupe mais, même pour eux, j’étais invisible. Neil Williams n’était personne. Pas un sportif, pas une tête, pas un gay…
Si j’avais fait preuve d’un peu de personnalité, je serais redevenu visible sur les écrans radars. Peut-être que les joueurs de foot auraient cessé de me bousculer comme si je n’existais pas. Peut-être que je me serais fait des amis. Peut-être que j’aurais trouvé un petit copain. Tant de “peut-être” et une seule certitude. Si j’avais montré qui j’étais vraiment, mon père me l’aurait fait payer. Je ne pouvais pas me permettre ça. Je devais continuer à être insignifiant tant que je serais dépendant de lui. Et si je perdais la considération de Noah Ryder…
- Ne me parle pas sur ce ton, petit con ! vociféra mon paternel en me tirant d’un coup sec pour que je tombe sur le carrelage.
J’étais un poids plume et mon père, un ancien quaterback. Il n’avait aucun mal à me balader de la sorte. Je m’écroulai à ses pieds mais lui jetai un regard farouche et tentai de me redresser. Son coup de pied n’était pas une surprise, lui. Je le pris en plein ventre, ce qui me plia en deux, m’empêchant de me relever comme je l’avais escompté.
- Mon fils est une pédale, et je devrais me réjouir, c’est ça ? gronda mon père avant de me donner un autre coup de pied, dans le dos, cette fois-ci.
Je m’affalai à plat ventre, le souffle coupé, le sang dans ma bouche me donnant des hauts-le-coeur. Je ne renonçai pourtant pas à me remettre debout et m’appuyai sur mes mains pour y parvenir. Un nouveau coup de pied, dans l’épaule, m’en empêcha.
Un simple regard et ils savaient comment l’autre allait agir. Je n’étais pas de taille à les affronter.
Ils furent sur moi en une seconde et se mirent à me tabasser dans un ensemble parfait. J’étais incapable de leur tenir tête. Je m’écroulai à leurs pieds en quelques secondes, emportant dans ma chute le tabouret et le chevalet devant moi.
Je sentis mon corps se cambrer alors que le feu de l’orgasme m’embrasait, roulait dans mes veines jusqu’à mes reins, et se déversait hors de moi, se joignant à celui de Noah. Nous avions joui ensemble et je ne pus m’empêcher de sourire à cette idée. C’était la première fois que je faisais ce genre de choses avec quelqu’un. Bien sûr, je m’étais déjà touché de la sorte, mais ça n’avait rien à voir avec ça. La main de Noah m’avait apporté bien plus de plaisir que la mienne et j’espérai qu’il songeait la même chose alors qu’il lâchait ma queue poisseuse pour tâtonner derrière lui à la recherche de la table de nuit. Il trouva ce qu’il cherchait et extirpa une liasse de mouchoirs en papier de leur boîte avant de venir nous essuyer avec douceur.