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Critique de Lamifranz


4ème volume de la série des « Colonnes du Ciel », « Marie-Bon-Pain » constitue un tournant dans la saga : tout ce que l'on a connu dans les épisodes précédents, la peste, l'exil vers la Suisse, l'épopée d'Hortense, la femme de guerre, tout ceci va prendre une pause, avant de changer carrément de direction.
Nous sommes en 1644. La guerre est finie, et nos héros ont l'autorisation de revenir chez eux. Bisontin-la-Vertu, sa compagne Marie, et les enfants Petit-Jean et Léontine reprennent le chemin du Jura et de la région de Dôle, où l'attendent les Colonnes du ciel, ces grands fûts rectilignes qui semblent s'élever vers le firmament comme les piliers d'un temple. Avec volonté, acharnement, obstination, la petite communauté redonne vie au village détruit. Ce pourrait être l'issue de l'aventure, le bonheur retrouvé… Après tout ce qu'ils ont souffert, ils méritent une petite récompense, non ? Mais les voie de la Providence (si mal nommée) sont impénétrables et souvent déconcertantes, décevantes et même tragiques. le destin va frapper à nouveau en la personne d'Hortense, la femme de guerre. Un vieux proverbe dit « qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ». En ce XVIIème siècle obscurantiste et puritain, la traduction est : « qui veut se débarrasser d'un gêneur – ou même d'un indésirable, tout simplement – l'accuse de sorcellerie ». C'est radical : superstition + fanatisme = jugement expéditif et exécution sommaire. Hortense est livrée aux flammes « purificatrices ». Tous ses compagnons en sont bouleversés. Bisontin, qui appréciait cette femme forte, se sent déboussolé. Marie ressent le trouble de Bisontin et le devine : l'ex-Compagnon du Tour de France est tiraillé entre l'envie de repartir sur les routes et la tentation de la stabilité. L'arrivée d'un autre compagnon-charpentier, Dôlois-coeur-en-joie, va l'orienter vers un autre destin.
Bernard Clavel continue à nous subjuguer avec cette saga. La place est faite ici aux doutes et aux interrogations : partir ? rester ? l'amour de la femme et de la famille ? ou l'amour – et la vocation – du métier ? Nous partageons les questionnements de Bisontin, et le désespoir de Marie qui lit à livre ouvert sur le visage de son compagnon. A qui la faute ? ce qu'on appelle le destin est un enchaînement de fatalités où les pauvres gens sont entraînés comme un fétu dans la tempête.
C'est quand il faut décrire de telles situations que le romancier doit être « à la hauteur » : faire connaître au lecteur à la fois le réalisme dur et violent de la réalité, et en même temps la subtilité douloureuse des sentiments. Bernard Clavel y parvient sans effort : depuis le début de la saga, il nous a inclus, nous, lecteurs et lectrices au coeur de cette communauté, si attachante, avec des personnages crédibles, bien mieux « naturels » ; c'est simple, nous aurions pu être à leur place, pour peu que nous ayons vécu à la même époque. Si le romancier est impeccable, n'oublions pas l'historien : ici pas de grands faits d'armes, on ne voit ni les rois ni les Cours ; la guerre se vit au jour le jour chez les petites gens, on emploie les mots du peuple, le vocabulaire paysan, on met à jour les superstitions, les manipulations politiques, le fanatisme religieux, et derrière tout ça la vraie foi des charbonniers, charpentiers, forgerons etc.
Si Bernard Clavel n'est pas un grand écrivain, il est du moins un grand romancier : un feuilletoniste, un raconteur d'histoires du temps passé, un montreur d'images, et puis en même temps un sage qui semble dire : voyez, c'était ainsi en ce temps-là ; vous voulez vraiment qu'on y revienne ?
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