Citations sur L'essence des ténèbres (34)
Socialement, le tueur ne fait que participer à l’augmenta- tion du taux de mortalité. Cette interaction avec «les autres », qui ne sont en fait que des cibles potentielles, le sort de sa condition d’individu, et toute appartenance à la com- munauté humaine lui est exclue. Même avec la meilleure volonté, il lui est très difficile de se faire des amis ou simple- ment d’évoluer comme tout le monde dans un contexte social. Il s’agit là d’un phénomène tout à fait singulier qui pourrait presque s’expliquer par une loi physique. Sa fonc- tion génère une impossibilité contre laquelle il ne peut rien. Son activité fait de lui un régulateur. Il agit au même titre que le cancer, le sida, la mortalité routière ou la cigarette.
« Tu vois, le chat, si tous les hommes étaient des chats comme toi, les choses seraient beaucoup plus simple sur notre bonne vieille planète...mais il n’y aurait pas autant de poissons dans les lacs, évidemment »
Il avait l’aspect d’un grimoire usé, couvert d’un cuir brun épais, presque noir, poli par les années, ou peut-être les siècles. Sur la couverture apparaissait une série de signes qui lui étaient inconnus, appartenant sûrement à un alphabet mystique d’un autre âge. Les pages jaunies qui s’entassaient formaient une tranche d’au moins huit centimètres, grossière, d’où émanait une forte odeur de moisissure. Il ne l’avait pas ouvert et se contentait de le regarder en éprouvant un intense sentiment de répulsion à la pensée de parcourir ses pages. Rien qu’à sa vue, il ne pouvait empêcher les scènes abominables de remonter par vagues successives.
— Le vieux paléographe t’a bien enseigné, dit l’Ancien cruellement.
Il tenta encore de repousser la force qui l’enveloppait de noirceur et se refermait lentement sur sa raison. Mais il se rendit bien vite compte que ces créatures l’avaient jusque-là laissé faire à son gré.
— Oui, le vieux avait raison lorsqu’il nous a prévenus du péril que vous représentez.
— Cesse de résister.
— Mais qu’est-ce que vous attendez de moi, bon sang !
Au cours des cinq derniers mois, la paisible ville de St. Marys avait été frappée par une série d’événements des plus terribles : plusieurs disparitions inexpliquées, cinq au total, s’étaient succédé. La petite ville, qui comptait douze mille âmes, avait tout entière basculé dans l’angoisse. Ces événements tragiques auraient pu être rationnellement acceptés par les habitants de St. Marys s’il ne s’était agi de jeunes enfants. Toutes les victimes étaient âgées de trois à cinq ans.
Le ciel déjà sombre s’obscurcissait encore avec le jour qui déclinait. La lune faisait de brèves apparitions entre les énormes masses de nuages qui filaient rapidement. Sa lueur blafarde couvrait les bois pendant quelques secondes puis disparaissait à nouveau dans les ténèbres qui s’installaient. Les grands arbres muets agitaient désespérément leurs branchages dans le vent glacé. S’il avait pu parler leur langage, pensa-t-il, peut-être lui auraient-ils révélé les faits sinistres dont ils avaient été les témoins.
« Le professeur reprit son explication, les yeux illuminés par une ferveur soudaine. Imaginez une civilisation dotée d’une technologie si puissante et si évoluée qu’elle ait pu insuffler la vie sur notre Terre et la coloniser, alors que celle-ci n’en était qu’à sa première ère écologique, une époque qui remonte à plus de trois milliards d’années…. Avant sa phase cataclysmique. Est-ce que vous pouvez concevoir cela dans votre petit esprit étriqué, monsieur Fournier ? L’agent garda le silence, partagé entre terreur et intérêt ».
Imaginez une civilisation dotée d’une technologie si puissante et si évoluée qu’elle ait pu insuffler la vie sur notre Terre et la coloniser, alors que celle-ci n’en était qu’à sa première ère géologique, une époque qui remonte à plus de trois milliards d’années… Avant sa phase cataclysmique. Est-ce que vous pouvez concevoir cela dans votre petit esprit étriqué, monsieur Fournier?
La nuit qui, chaque soir, revêtait lentement les bois de son habit somptueux de noirceur. Maintenant, toutes les choses obscures et grouillantes pouvaient errer librement, toutes les peurs pouvaient trouver leurs raisons d’être. Tous les hommes et toutes les bêtes pouvaient se tapir dans leur antre, se blottir les uns contre les autres, pour préserver fébrilement la pâle lueur de leur vie. À toute question, il n’y avait plus de réponse
Cooper était devenu un orfèvre à ce jeu. Il maîtrisait parfaitement l’art de la trame dissimulée . Cette réalité souterraine sentait si fort la terreur et la mort qu’elle finissait tôt ou tard par remonter à la surface, comme un cadavre bleui et boursouflé. Le temps pouvait réaliser cela. Le temps pouvait résoudre tous les mystères. Mais l’enquêteur était justement là pour devancer le temps