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Critique de Zebra


Publié en 2009, "Le divorce français" est le 15ème ouvrage rédigé sous la plume de François de Closets. La quatrième de couverture de l'édition dans la collection "J'ai lu" annonce la couleur : il s'agit d'un essai ("Le divorce français - essai"). le lecteur est donc fondé à croire qu'il va trouver dans cet ouvrage des réflexions relatives à un sujet donné et le point de vue de son auteur. Généralement, et contrairement à l'étude, l'essai est polémique ou partisan : le lecteur peut donc s'attendre à un ton de circonstances. Eh bien, le lecteur va être servi !

Il a entre les mains, sur des sujets d'actualité, un ouvrage qui regorge d'exemples précis, percutants et parfois vécus de ce qu'Alain Peyrefitte appelait en 1976, "Le Mal français". Avec beaucoup de passion, d'indignation et d'exaspération, François de Closets dénonce (plus qu'il ne relate) des histoires peu ou mal connues, inattendues, inédites et souvent ahurissantes. Avec une sincérité probablement non feinte, l'auteur se livre à une dénonciation en règle des travers de notre société française, parsemant son texte de quelques chiffres et statistiques (pour faire plus vrai ?). Faisant comme à son habitude preuve de pédagogie, François de Closets nous plonge dans un certain nombre de pseudo-enquêtes qui constituent, au fil des pages (et l'ouvrage n'en compte pas moins de 350 !), un vrai catalogue à la Prévert.

Alors, un livre culte ? En tous cas, un livre qui, en moins de deux semaines en librairie, se classait à la 2ème place des meilleures ventes avec 65000 exemplaires écoulés ! Comment expliquer ce succès ? L'avalanche de révélations et le ton de François de Closets y sont pour quelque chose, et puis comme l'annonçait Le Point, l'actualité "rattrapait à grandes enjambées les thèses charpentées de l'essayiste".

Mon avis ?
L'exposé des faits n'empêchait pas d'en faire un brin d'analyse, mais l'auteur a préféré ici l'écriture d'un livre choc, superficiel et un tantinet voyeur (vous savez, "le poids des photos, le choc des images"). Cet étalage de sujets polémiques, dans le droit fil de ce qu'écrivait alors François de Closets, plus journaliste qu'écrivain, ce réquisitoire finit par lasser ! L'ouvrage présente des faiblesses : des longueurs, des affirmations péremptoires (page 331 "le XXIème siècle se paie comptant, il ne fait pas crédit"), des phrases sentencieuses comme autant d'épouvantails agités à la face de la foule ébahie (page 9 "le capitalisme financier, maître du monde"), des affirmations gratuites du genre "on aurait pu ..." ou "soyons optimistes" qui illustrent l'absence d'étude profonde de chacun des sujets exposés et qui donnent l'impression d'une utilisation systématique de la méthode Coué. J'ajouterai que jusque dans la conclusion vous trouvez encore des faits, des chiffres et des développements interminables qui avaient leur place dans le corps de l'ouvrage. Et puis, voyez le sous-titre de l'ouvrage ( "Comment réconcilier le peuple et les élites ?") et posez-vous la question de savoir si François de Closets vous a exposé une méthodologie, des scénarios, des critères conduisant à retenir une méthode de réconciliation plutôt qu'une autre, le tout étant illustré d'exemples réels, de trucs et d'astuces, éventuellement reproductibles à l'échelon français ? Non, rien de tout cela dans "Le divorce français"; plutôt le produit d'une logorrhée intarissable (page 8 "ne fallait-il pas couper davantage ?") et mal maîtrisée (page 8 "j'aurais pu également évoquer l'amiante ou la justice, l'immigration ou la bureaucratie, voire l'orthographe").

Dans les 3 dernières pages, François de Closets invite le lecteur à se demander si la solution ne résiderait pas dans des citoyens davantage concernés, des élites plus responsables et moins incertaines, l'instauration d'un parler-vrai avec en prime l'usage immodéré de la lucidité et l'abandon du démagogiquement correct. C'est un peu tard et il manque la relation d'un événement qui permettrait d'espérer que la réconciliation entre le peuple et les élites puisse intervenir dans un avenir rapproché. Alors, il y aurait tromperie sur la marchandise ? Possible, d'ailleurs voyez la mine réjouie de François de Closets, content de nous avoir exécuté un tour de passe-passe puisqu'au lieu d'un livre nous exposant les moyens de réconcilier le peuple et les élites il nous a servi un catalogue d'exemples illustrant la réalité supposée de ce divorce !

Au final, "Le divorce français" me semble constituer un "remake" du livre d'Alain Peyrefitte ("Le Mal français", 1976) et une extension de l'admirable ouvrage de Yann Algan et de Pierre Cahuc ("La société de défiance : comment le modèle social français s'autodétruit", 2007). Les inconditionnels de François de Closets apprécieront certainement "Le divorce français"; quant aux autres, ils devront se souvenir (page 21) que "plutôt qu'en faire l'analyse et la théorie", l'auteur nous "propose de le voir à l'oeuvre au fil de ces histoires, si diverses dans les faits qu'elles relatent". Bref, nous ne sommes pas dans l'analyse, nous avons quitté l'essai : nous voici dans un livre de contes !
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