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Critique de LaBibliothequedeJune


Quel article difficile à écrire ... Comment être à la hauteur d'un tel édifice littéraire ? Belle du Seigneur est un classique de la littérature contemporaine et les avis des lecteurs à son sujet sont extrêmement tranchés : soit on le vénère soit on l'exècre. Difficile de s'y retrouver lorsqu'on hésite à s'attaquer à un tel pavé. Finalement, après plusieurs années d'incertitude, je me suis jetée à l'eau et 1110 pages plus tard, je m'en vais gonfler les rangs des adorateurs de Cohen.
J'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'une ode à la passion mais je me suis vite ravisée car c'est bien l'inverse, ici le chemin passionnel est raconté depuis la première étincelle à l'extinction du feu sacré.

Bien née, Ariane, la délicate, est élevée dans la droiture religieuse et la bienséance, mais aujourd'hui Ariane s'ennuie et s'éteint au bras de son mari, un petit personnage insipide, sans compétences mais pourvu de grandes ambitions. Loin de l'admirer elle le méprise tout bas derrière un sourire de façade. Solal, le beau juif de Céphalonie, cherche l'amour véritable, pur et grand. Il est beau, il est intelligent et socialement puissant. Toutes les femmes le désirent à cause de ce paraître, raison pour laquelle il les hait autant qu'il veut les posséder. Quand Ariane pose un regard glissant sur lui, comme si elle ne le voyait pas vraiment, Solal en tombe éperdument amoureux.
Ariane et Solal, un couple adultère et lumineux, une rencontre bouleversante à laquelle on veut croire, comme ils nous font rêver les beaux tourtereaux remplis d'amour ... Leurs gestes sont touchants et leur hâte est belle à lire. Solal sait que la passion n'a qu'un temps, que bientôt elle ne sera plus. Pour protéger la belle Ariane de cette mort annoncée, il réinvente leur amour jour après jour, le nourrit pour le garder vivant, le nourrit de beau et de laid, peu lui importe tant que l'illusion de la passion perdure.
Loin de nous chanter les louanges d'un amour parfait qui se tisse dans une chambre du Ritz ou sous le soleil du bord de mer, Cohen semble nous mettre en garde et pour finir nous dépeint la déchéance programmée d'un amour entre une idéaliste et un grand névrosé. Voici donc le mythe moderne de la grande amoureuse et de son amant torturé, une lecture d'une grande beauté que l'on quitte avec une sorte de douleur.
Mais il n'y pas que ça. Autour d'eux, il y a le monde, celui de Genève et des bureaucrates, celui de la puissance sociale et du mépris, celui des prémices de la seconde guerre mondiale et de la chute des géants. Cohen, caustique à souhait, merveilleux portraitiste, met en lumière le ridicule monde de l'Administration, faiseur de petits bourgeois et de faux puissants. Des tirades entières sont consacrées à l'incompétence des bureaucrates tellement sûrs de leur place dans la société, convoitant des promotions de pacotille et occupant le temps qui les sépare de leur ascension à imaginer leur gloire prochaine. Belle du Seigneur c'est aussi ça, des pages entières au sommet de l'hilarité.

Cohen est bien plus qu'un auteur, c'est une nouvelle littérature qui observe son prochain pour l'écrire avec un réalisme hors du commun. Cohen c'est un choc stylistique qui nous surprend et heurte nos habitudes de lecture. Quand on y goutte on ne l'oublie pas.
Lien : https://histoire2plumes.blog..
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