J’ai souvent peur d’être une mauvaise mère, pas à la hauteur, de mal faire les choses. De ne pas voir l’évidence. J’ai beau lire et relire le Guide de la future maman, je crois qu’être mère ne s’apprend pas dans un manuel. Et que, en fait, on n’est jamais vraiment prête.
Impersonnel. On devient un numéro. Une bagnarde parmi les autres.
On nous le rappelle en permanence, qu’on est rien, qu’on appartient à l’Etat.
A la fin, on m’a octroyé des vêtements abandonnés, repêchés au Secours catholique. Je me sens désormais comme étrangère à moi-même.
La fouille. Les portes en métal qui claquent. Le bruit des trousseaux. Un environnement déjà trop familier auquel je ne prête plus attention.
J'ai souvent peur d'être une mauvaise mère, pas à la hauteur, de mal faire les choses. De ne pas voir l'évidence. J'ai beau lire et relire le guide de la future maman, je crois qu'être mère ne s'apprend pas dans un manuel. Et que, en fait, on n'est jamais vraiment prête.
Le lendemain, après avoir rassemblé mes effets personnels, je suis reconduite dans l’autre quartier, celui de la détention provisoire, sans femmes enceintes, sans enfants.
La réalité me percute de plein fouet. Comme un violent carambolage. Nouvelle cellule. 145. Les murs sont inlassablement sales, avec l’odeur de merde, de pisse, des graffitis maladroits, des rats le long des coursives et des punaises dans les matelas entassés les uns à côté des autres. Et constamment cet air glacé qui file à travers les barreaux. J’avais presque oublié cet endroit. Comme si c’était une autre vie.
Je veux prolonger ces minutes-là pour l’éternité.
Alors j’embrasse ma fille sur le front et je la serre fort contre moi. Des larmes coulent sur mes joues.
Plusieurs fois, je demande aux surveillantes si elles n’ont rien vu passer. Elles me regardent comme si j’étais folle, à espérer quelque chose qui ne viendra peut-être jamais. Ou, parfois, avec la pitié de celles qui ont déjà vu des détenues être oubliées par les gens de l’extérieur. Certaines reçoivent des visites pendant des années, des lettres, des cadeaux, et un jour, sans raison particulière, tout s’arrête. Que reste-t-il quand tout le monde vous abandonne ? Quand le dernier espoir vous échappe ?
Je m’épuise à chercher vainement une solution pour garder ma fille à mes côtés. Prolonger ce temps. J’ai entendu de rares cas où l’on peut garder son enfant jusqu’à vingt-quatre mois, voire jusqu’à trois ans dans certains pays d’Europe. Je donnerais n’importe quoi pour l’avoir même un mois de plus. Même un jour de plus. Je n’arrive pas à concevoir notre séparation.
J’ai souvent peur d’être une mauvaise mère, pas à la hauteur, de mal faire les choses. De ne pas voir l’évidence. J’ai beau lire et relire le Guide de la future maman, je crois qu’être mère ne s’apprend pas dans un manuel. Et que, en fait, on n’est jamais vraiment prête.