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Critique de markko31


Tout ceci n'a ni queue ni tête et parlera peu de l'oeuvre en question.

Je ne me souviens plus par quel malentendu ironique ma mère avait introduit ce livre à la maison, après la sortie du film sur lequel je m' étais précipité discrètement dans ma petite salle de province. Je me souviens en revanche d'un repas en famille pendant lequel je piquais du nez et un fard dans mes petits pois alors que ma mère expliquait en quoi ce bouquin était "une litanie de scènes de sexe degueulasses" devant mon père partageant son avis d'office: après tout, ce n était qu'histoires de sales pédés... ah, des bi? Oui, bon, du pareil au même. Et oui, nous étions en 93, mais je ne doute pas que 30 ans plus tard, d'autres assiettes de petits pois masquent à grand peine les hontes adolescentes face à des désirs nébuleux et la bêtise à manger du foin de certains géniteurs. J'avais néanmoins réussi à subtiliser le livre désormais marqué du sceau de l infamie à la vigilance toute relative de mère. Manoeuvre fourbe me permettant de prolonger la fascination exercée sur moi par le film et son auteur.

Concernant le pitch: le narrateur, 30 ans, travaille dans le cinéma. Bisexuel, il se grise de drogues et de sexe dans le Paris de la fin des années 80 et rencontre Laura, une jeune fille de 17 ans avec qui il vivra une passion amoureuse et sexuelle, compliquée par ses rencontres masculines et le Sida.

Livre et film, dyptique indissociable. le ton est brutal, cru et poétique, des mots, des sentiments comme nus, sans fioritures, parfois violents, parfois morbides. Pourtant la vie s'accroche en des instants teintés de joie et de désespoir, en des plaisirs délétères.
Urgence à écrire/à montrer/à raconter ces années là, sans recul, dans le vif. C'était donc ça l'époque de mon adolescence, ce qui m'attendait et qui me paraissant encore loin, mort d'ennui et de rêves désordonnés dans ma chambre, une vie parisienne dangereuse et vibrante fantasmée par un petit provincial n'ayant encore aucune expérience de la vie et de sa dureté ( ma propre experience parisienne, quelques années plus tard, aura été plus safe mais aussi plus décevante, que voulez-vous, je suis un garçon terriblement "random", comme disent les jeunes ).
Tant que j'y pense, Romane Bohringer, pour toujours je vous aime.

Alors certes, le narcissisme du Collard est agaçant. Il se voit comme un ange maudit et romantise peut-être la maladie comme un chemin de croix christique.
La poésie de l'auteur se fait parfois déviante lorsque le narrateur atteint l extase en se faisant pisser dessus dans la nuit et le froid sous les quais d Austerlitz.
Je vous accorde tout ça, mais l'oeuvre a les défauts de ses qualités et sa fougue est toute adolescente, jusque dans ses excès.

Puisque ce billet est plus un retour aux sources qu'une critique de l'oeuvre en question, j'en profite pour faire un petit coucou à ma pote de lycée Manue, qui est venue me trouver un après-midi caniculaire de bac blanc, découpée en ombre chinoise dans ce couloir de lycée sombre et frais pour m'annoncer avec des larmes dans la voix: Cyril Collard est mort. Et moi qui essayais de faire le ptit mec à côté de mes potes en me foutant de sa gueule et de ses tremolos, alors que j avais envie de chialer.
Pardon donc Manue, et pardon M'sieur Collard, parce qu'en fait moi, j aurais bien aimé savoir ce que vous alliez devenir, ce que vous alliez nous donner après, et j en aurais bien repris une louche de votre poésie de guitare sèche et de périphériques arpentés à toute bringue, peuplée d'enfants perdus à la sexualité frénétique. Car si je retiens une chose de vous, c est que nous sommes faits pour vibrer, jusqu'à la fin.
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