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Critique de ClaireG


Avec Francisco Coloane pas de tergiversations, vous vous installez le plus confortablement possible, enroulé dans un poncho, un bol de maté dans une main et un cigaro à portée de l'autre ; vous veillez à ce qu'il y ait assez de combustible pour le feu et vous écoutez. Vous tombez sous le charme. Vous êtes envoûté. Vous tremblez. de froid ou de peur. Vous apprenez.

Formidable conteur, à l'instar de Luis Sepulveda son grand admirateur, Francisco Coloane transmet ce qu'il connaît le mieux : la vie rude dans l'Amérique australe, celle de chasseurs de baleines ou de phoques, celle de chercheurs d'or avides, d'éleveurs de moutons, de pêcheurs de moules et d'oursins, celle d'hommes devenus fous de solitude, celle de solides cavaliers chevauchant dans ces étendues à perte de vue des plaines de Patagonie et de la Terre de Feu.

Natif de l'île de Chiloé, orphelin très jeune, Francisco Coloane est contraint de pratiquer toutes sortes de métiers liés à la mer : matelot, baleinier, prospecteur pétrolier, sauveteur de bateaux en perdition,… Ce qu'il raconte, ce qu'il écrit, ce dont il parle, il l'a connu, éprouvé, vécu dans sa chair. Ou alors, il l'a inventé de la même façon. Il a côtoyé les Indiens, il a appris leurs légendes, il y a ajouté les superstitions qui peuplent la vie en mer. Il est brut et débonnaire, franc et bourru, poli par les bourrasques, buriné par les vents violents. Il est sans complaisance pour la sauvagerie des hommes qui n'a rien à envier à celle de la nature.

Quels que soient l'endroit, l'aventure, la difficulté, la tendresse, la violence, il décrit l'âme âpre et entière de l'homme chilien des cordillères déchiquetées et des nombreuses îles qui jouxtent le détroit de Magellan.

Neuf nouvelles font vibrer les cordes sensibles du lecteur : notamment, un rappel du massacre des Indiens Ona et Yagans par les colons européens, le vain combat d'ouvriers d'estancias exploités par les grands propriétaires terriens soutenus par l'armée du colonel Varela, le curieux cercueil vert abandonné dans la neige par ses porteurs qui avaient besoin de se désaltérer deux jours durant, l'homme qui a perdu la parole et qui vit avec son chien sur une terre d'oubli, le cuisinier irascible qui s'adoucit au contact d'un agneau volé, l'indigne qui tue un marchand d'or pour le voler, cet homme désespéré qui meurt et cherche un remplaçant pour sa femme et ses gosses.

Autant d'histoires qui glacent le sang, qui font naître un sourire ou qui appellent la compassion, où la vie de l'homme est inextricablement liée à celle de la nature.

Malgré leur aridité, leur climat hostile et décapant, les conditions de vie misérables de cette première partie du XXe siècle, les terres australes ont longtemps fasciné les chasseurs de rêves et d'aventures. Tierra del Fuego a été publié en 1963 et traduit en français en 1994.

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