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Critique de SZRAMOWO


D'Hervé Commere, je n'ai lu que « Ce qu'il nous faut c'est un mort », et j'avais beaucoup aimé. Son dernier roman intitulé Sauf, se montre à la hauteur.
En quelques chapitres à l'écriture serrée et incisive et moins de cinquante pages lues avec fébrilité, il nous plonge au coeur d'une énigme surgie du passé qui s'est invitée sans prévenir dans la vie de Mathieu, un brocanteur de Montreuil vivant avec Anna une prof d'anglais divorcée et mère d'une adolescente Laurie avec les quels il vit sur l'île Sainte-Catherine sur la Marne à Créteil dans une maison qu'il a entièrement retapée.
Ce n'est pas la première fois que le malheur s'invite ainsi, à la façon d'un butor, dans la vie de Mathieu. En 1976, alors qu'il n'a que 6 ans, en séjour dans une colonie de vacances de Haute-Savoie, sa tante lui annonce la mort de ses parents dans le mystérieux incendie de leur « manoir sur la pointe de Lochrist, à Kerloch. », en Bretagne, une «(…) bâtisse (…) presque au bord du vide, avec la mer déchaînée en bas », le 6 août 1976.
Quelqu'un, mais qui, semble vouloir rejouer pour lui la tragédie qu'ont vécu ses parents et des suites de laquelle il est sorti indemne grâce à son oncle et sa tante qui l'ont élevé.
Mathieu est confronté au passé de ses parents qu'il n'a pratiquement pas connus. Il y fera face avec Anna, sa compagne, Gary, un gitan d'un mètre soixante et Mylène, une bourgeoise parisienne, ses employés du dépôt-ventes de Montreuil.
Passé l'âge de vingt ans, Mathieu avait tourné la page et renoncé à rechercher les coupables de l'incendie qui couta la vie à ses parents. 42 ans après, il se trouve, à son corps défendant, une nouvelle fois confronté à cette question. Et cette fois-ci il ne pourra pas tourner la page, car ce n'est pas lui qui tient le livre.
L'inspecteur Dagan, chargé d'élucider le casse de son entrepôt et l'incendie de sa maison de Sainte-Catherine lui laisse peu d'espoir. L'enquête de police sera bientôt close. Et Mathieu confesse que lui aussi dans le passé il a jeté l'éponge : « J'ai souvent pensé qu'ils avaient été assassinés, et pour toutes les raisons du monde. J'ai même imaginé qu'ils avaient été tués par mon oncle et ma tante pour me récupérer, j'ai tout imaginé. Agents secrets supprimés par le bloc de l'Est, voleurs de diamants éliminés par le consortium d'Anvers, amant ou maîtresse du président de la République de l'époque. J'ai imaginé qu'ils organisaient des orgies dans le manoir où se retrouvaient des têtes connues qu'ils faisaient chanter ensuite. Vous voyez, je ne leur ai pas toujours donné le beau rôle. »
Il se retrouve seul face à l'histoire de ses parents. Aidé par Anna et sa fille Laurie, Mathieu se verra contraint d'accomplir un voyage vers le passé, son passé, un voyage qui passe par Kerloch, ses secrets, ses habitants taiseux et les mystères qu'ils entretiennent jalousement.
Sa tante, la soeur de son père, ne lui sera pas d'une grande utilité. Elle se refuse à remuer le passé : « Pour elle, tout est limpide, même en l'absence de réponse. Mieux : s'il n'y a pas de réponse, c'est qu'il n'y a plus de question. » Son oncle ne fait guère d'effort pour lui parler de ses parents.
Gary le gitan, lui, affirme, « — Il n'y a que deux mobiles, (…) L'amour ou l'argent. » et se dit prêt à mobiliser la communauté tzigane de France de Suisse et de Belgique pour donner la chasse à ceux qui sont rentrés par effraction dans la vie de Mathieu.
Mylène mettra elle son patrimoine personnel à disposition de Mathieu et Anna.
Mathieu, Anna, Mylène, Gary vont fonctionner comme une véritable équipe, jouant de leurs différences et de leur complémentarité. Une équipe d'amateurs, mais beaucoup plus motivés que les détectives de la police
« En sortant de table tous les quatre, nous tombions de fatigue. On était bien ensemble. On s'est installés dans la voiture sans parler, ni démarrer. On s'est endormis un à un. C'est le soleil qui nous a réveillés. »
« Ces deux-là (Mylène et Gary) s'adorent autant qu'ils s'intriguent. Ils sont aux deux opposés d'une même courbe, celle de la hiérarchie sociale, pour laquelle ils éprouvent tous les deux une grande indifférence, si ce n'est un profond mépris. »
L'enquête va les mener de Kerloch à Lyon. Mathieu « piétine au milieu des fantômes. » il n'entrevoit « rien d'autre qu'un océan de souffrance et de larmes, peut-être de plomb. »
Mathieu se dit « prêt à en découdre et prêt à (se) cogner à la vérité », mais une fois confronté aux mensonges de ceux qui ont choisi son passé pour lui, il découvre une vérité qui le dépasse.
« J'avais 6 ans quand ils sont morts, j'en ai 48 aujourd'hui. Quarante-deux ans que je n'ai pas vu ces yeux, ces deux bouches, ces cheveux un peu longs que j'avais oubliés. »
« Combien de temps est-on le produit de son enfance, selon vous ? »
Un roman à lire d'une seule traite. Un grand Commere.

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