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Critique de gerardmuller


L'amour la solitude/André Comte-Sponville
L'auteur n'est plus à présenter, tant ses écrits ont connu de succès mérité d'ailleurs. Comme d'habitude, il aime bien que soit parfaitement défini le sujet, et en premier lieu la philosophie.
« La philosophie est une pratique discursive qui a la vie pour objet, la raison pour moyen, et le bonheur pour but. »
Je trouve cette définition assez bonne, mais cela n'enlève rien au fait que la philosophie est beaucoup plus que cela.
Et d'abord le bonheur est –il vraiment le seul but de la philosophie ? de plus on peut parfaitement être heureux sans philosopher ! de même qu'on peut philosopher sans être heureux !
On peut dire plus simplement sous forme d'aphorisme que philosopher, c'est penser sa vie et vivre sa pensée.
Étymologiquement, la philosophie est l'amour de la sagesse. Et ce pour la santé de l'âme comme disait Épicure.
Ensuite, l'auteur aborde les rapports entre l'individu et la société : pour lui le respect d'autrui est une valeur sociale fondamentale. Hélas elle se perd…
Et la nature de l'homme : l'humanité est-elle dominée par sa nature biologique ou sa nature historique ? Opposition entre le corps et l'esprit !
Antagonisme entre peuple et foule : « le peuple s'est donné les tribunaux, les scrutins ; la foule ne sait que lyncher ou acclamer ». Ce raccourci recèle une certaine vérité que Comte-Sponville nous explique.
Et puis il nous fait part d'une manière assez provocatrice de son dédain d'une certaine littérature et notamment du roman. Et même de beaucoup d'écrits philosophiques.
« Tu veux la vérité ? La philosophie n'a aucune importance. Les romans n'ont aucune importance. Il n'y a que l'amitié qui compte ; il n'y a que l'amour qui compte. Disons mieux : il n'y a que l'amour et la solitude qui comptent. »
« La vraie vie, ce n'est pas la littérature. »
« Toutes les bibliothèques se ressemblent : ce ne sont que des morts verticalement serrés ! »
Comte-Sponville se fait là iconoclaste.
Ne pas confondre solitude et isolement. On peut très bien ressentir la solitude au milieu d'une foule.
Avec une certaine poésie, l'auteur nous parle de choses graves et complexes.
Quoique athée, il fait référence souvent à Jésus et Bouddha. Spinoza reste son philosophe préféré, celui qui lui parle et qui parle de la vraie vie. Avec Montaigne qui dit : « Pour moi, j'aime la vie. »
Et Mozart incomparable, irremplaçable…et le vent doux qui bruit dans les frondaisons…et le quintette en ut de Schubert… et le piano de Dinu Lipatti. Et l'amour… La vie, la voilà !
Comte-Sponville aime plus la vie, la vraie vie que la philosophie. Il le montre et c'est son credo :
« L'art au service de la vie et non pas la vie au service de l'art. »
Lorsqu'il aborde le thème de l'amour :
« Ce n'est pas la valeur de l'objet aimé qui justifie l'amour, c'est l'amour qui donne à l'objet aimé sa valeur. »
« La passion n'est pas le tout de l'amour et même elle n'en est pas l'essentiel…La vraie question est de savoir s'il faut cesser d'aimer quand on cesse d'être amoureux. »
Mais ne nous berçons pas d'illusion :
« La religion se trompe. L'amour n'est pas plus fort que la mort, pas plus fort que la souffrance, pas plus fort que la haine. »
Comte- Sponville nous montre que paradoxalement la désespérance engendre le bonheur, la paix, la sagesse : la voie vers le bonheur passe par le renoncement. C'est l'enseignement du Bouddha. Hélas notre vie est souffrance dit encore Le Bouddha, car nous ne savons pas nous affranchir des désirs et nous passons notre vie à espérer encore et encore.
Au terme de son livre, l'auteur nous fait part de son sentiment concernant la mort : c'est un chapitre très émouvant, bien senti et qui nous touche tous au plus profond de nous mêmes.
« Avoir peur de la mort, c'est avoir peur de rien…La mort n'est rien, soit, mais nous mourons, et ça, ce n'est pas rien …Philosopher c'est apprendre à vivre, certes, non à mourir. Mais comment vivre heureux sans apprendre à accepter la mort ? »
Une ultime réflexion sur la contingence de l'être, « un abîme dont les religions se nourrissent mais qu'aucune ne saurait abolir », vient clore magnifiquement cette discussion.
Un très bon livre rassemblant trois entretiens avec une romancière, un poète et un philosophe abordant de nombreux thèmes de la vie quotidienne. Pas de métaphysique complexe ni de dissertation fumeuse ou absconse. À lire et relire.

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