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Critique de Biblioroz


Les cisailles à la main ou coincées sous son bras, grimpé dans un pommier, ou un abricotier, ou bien un prunier, l'homme, Taldmage, s'affaire dans son verger.
Silence de la terre, des arbres fruitiers, de la forêt avoisinante. Solitude de l'homme qui n'a plus de famille depuis longtemps, qui n'en a pas fondé une. Plusieurs dizaines d'années se sont écoulées depuis son arrivée, avec sa mère et sa soeur, sur cette terre isolée de l'État de Washington. Les deux pommiers alors présents sont désormais perdus dans un vaste verger, des hectares d'arbres fruitiers.
Sa mère est morte depuis longtemps. Sa soeur Elsbeth n'est jamais revenue d'une cueillette d'herbes en forêt, jamais retrouvée, le laissant depuis dans une totale ignorance de ce qui a pu lui arriver. Un poids lourd sur le coeur de Taldmage.
Dans sa tête, de multiples pensées, des préoccupations, des évènements lointains et d'autres à venir alors qu'il se dirige vers la ville. Son chariot brinquebale et grince, les sacs de pommes et d'abricots bien serrés avant que les fruits ne soient vendus. A la faveur d'un petit somme de notre vendeur de pommes, quelques unes d'entre elles lui sont dérobées par deux adolescentes enceintes affamées, aux vêtements dépenaillés, aux figures crasseuses. Elles trouveront un peu plus tard l'exploitation du vieil homme qui leur fera cuire sur son feu des crêpes épaisses, roboratives.

De ce roman s'échappe une longue histoire qui ronronne, l'histoire d'un homme dans son verger niché au creux d'une vallée où murmure paisiblement un ruisseau dans lequel il se lave. Les montagnes à l'horizon portent leur regard sur des champs de blé qui cernent la ville la plus proche. Et le regard de l'homme erre bien souvent sur ses arbres. Il fend du bois, vérifie les clôtures posées là afin de dissuader les cerfs de venir se nourrir des fruits juteux, s'occupe consciencieusement des jeunes pousses, taille méticuleusement ses arbres et se déplace lentement avec sa mule. A l'orée de la ville, il voit régulièrement Caroline Middey, l'herboriste. Leur entente est simple, faite d'échanges laconiques mais où les sentiments, sans jamais les exprimer, sont terriblement éloquents.
À intervalles réguliers, des indiens éleveurs de chevaux, s'arrêtent chez lui et l'aident pour les récoltes. C'est encore une fois un lien d'amitié puissant entre taiseux que l'auteure instaure entre Taldmage et Clee, un indien muet suite à un traumatisme de la barbarie humaine.

Mais cette histoire, dont l'onde paisible se propage presque silencieusement va douloureusement vibrer avec l'arrivée de Della et Jane.
Comme deux petits animaux méfiants, elles viennent manger les assiettes posées discrètement sur le perron de la véranda pour ne pas faire fuir nos deux adolescentes farouches. Elles suivent l'homme de loin, l'observent aller et venir sifflotant dans son verger. Doivent-elles se fier à lui ? L'approche est douce et mutique. Amanda Coplin noue admirablement les gestes et les émotions de ce poignant apprivoisement.
Et c'est autour de toute cette histoire que l'auteure tire un fil continu, entremêlant les sentiments et le quotidien de tous ces personnages que l'on apprend à aimer.
Du travail dans le verger, de virées annuelles sur la foire aux plantes on passe à une ambiance se frottant au Far West avec des expéditions de chevaux, des bivouacs, des rodéos. Les plaies laissées par les départs, les inquiétudes, les souffrances, les grandes difficultés à aborder certains sujets s'y glissent, incandescentes, donnant toutes les émotions à ce magnifique roman.
Une chaîne de rapports humains se tisse, interrogeant sur les liens familiaux, sur leurs significations dans certaines circonstances, et les confrontent à ceux qui naissent spontanément, contre toute attente et malgré les dangers, les réticences.
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