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Critique de stephanedelure


Sam Cornell aime les contradictions. La preuve, il est normand et vit en Bretagne, ce qui pousse d'ailleurs le sens de la contradiction au rang de bravoure. Et de la bravoure, il y en a dans sa dernière novella, parue comme son roman, La Collision des Mondes, chez Livr'Editions. de la bravoure... et de la peur aussi, cette dernière étant l'inévitable porte à affronter lorsque l'on affronte l'inconnu.

L'auteur nous plonge dans les Black Hills, en 1876, soit onze ans après la fin de la Guerre de Sécession, en pleine guerre semi-ouverte contre les nations indiennes. Je dis bien "semi-ouverte", car comme Sam Cornell nous le rappelle au travers de notes en bas de page, l'histoire confrontant les américains aux amérindiens est faite de traités brisés, de moins en moins vastes réserves que l'on "offre" et de monceaux de ressources et d'or que l'on convoite, sans oublier ce peuple que l'on cherche à annihiler en l'assimilant dès que possible.

Le format choisi est donc la nouvelle, et c'est ainsi fort naturellement que l'on entre avec brutalité dans le vif du sujet, aux côtés de ce métis, fruit d'un viol, éclaireur dans le corps d'armée du général Crook. Ce dernier est un militaire aveuglé par la soif de sang, cherchant à venger le massacre de Little Big Horn, où les hommes du 7ème de cavalerie, menés par l'arrogant Custer, furent défaits par une coalition de cheyennes et de sioux dirigés par les légendaires Crazy Horse et Sitting Bull. Et l'on comprend très vite que les tuniques bleues ont visiblement encore connu un épouvantable sort dans l'automne rigoureux qui traverse le territoire lakota, et en tournant les pages, nous allons découvrir l'horreur qui se cache dans les sombres collines, au fond de ce ravin bien caché du reste du monde, et probablement pour de saines raisons.

Le style est direct, sec, et le court récit se dévore sans que vienne jamais l'envie de faire une pause tant le besoin de tourner la page est pressant. L'auteur ne s'est jamais caché d'écrire une histoire lovecraftienne, mais n'attendez pas pour autant de voir apparaître les noms de Cthulhu ou du Necronomicon. C'est en cela que la filiation est parfaitement réussie, comme avait su le faire, dans un style certes très différent, Fred Chappell avec son superbe Dagon. Tout est suggéré, monte en degrés, et s'impose quand l'horreur survient, forcément indicible tant elle dépasse l'entendement et prend soin de garder ses secrets, se nourrissant de l'ombre du récit comme de celle des décors choisis. le côté historique a été étudié avec soin, et la véracité du contexte - le massacre de Little Big Horn et le besoin de vengeance qui suivit, culminant en 1890 à Wounded Knee - aident à s'immerger dans le récit, passant de ce qui pourrait passer pour un témoignage véridique au western pur et dur avant de culminer dans l'horreur la plus pure.

En avançant dans la partie western, lorsque les tuniques bleues se rapprochent d'un campement lakota menés par un chaman empli de sagesse et maniant habilement l'ironie, alors que son colosse de fils s'impose comme une force de la nature que l'on a hâte de voir entrer en action, on se prend à regretter de n'être que les brefs passagers d'une nouvelle, passant à côté du développement des personnages et de la tension qui mériteraient, en plus du contexte historique, le format d'un roman. Et puis on entre dans le pur fantastique, alors que l'horreur des combats propres à l'humain a déjà marqué dans le sang la rétine du lecteur, et l'on se dit finalement que ce format court est finalement bien pensé, car il permet au récit de conserver sa part de mystère là où le roman aurait fort logiquement apporté son flot de détails nuisant finalement à l'intrigue et à l'imaginaire. C'est ainsi qu'il appartient au lecteur de combler les creux et de nourrir l'histoire.

Une bien belle réussite en fin de compte, et puis pour les lovecraftiens qui voudraient une vengeance d'indien étalée sur un voire plusieurs romans, revenez ou découvrez les aventures de Misquamacus, le terrifiant Manitou de Graham Masterton !

Vous pouvez retrouver cet article sur mon blog, consacré pour partie à la musique metal et pour l'autre versant à mes lectures lovecraftiennes (je vais augmenter ce côteau ombragé, y ajoutant au fil de l'eau ma vaste Lovecraftothèque personnelle).
Lien : https://beyondthewallofsleep..
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