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Critique de michfred


Un sombre polar italien,et même italianissime.

Rome en est le théâtre, et quel théâtre: entre les rives populeuses et branchées du Trastevere, les jardins ombragés et secrets des belles villas vaticanes, les places connues -Navona, Popolo, Quatro fiumini- où l'on se donne rendez-vous autour d'un cappuccino, avec les coupoles dorées des églises baroques et de la basilique Saint Pierre scintillant dans les vapeurs torrides du soleil et avec les plages d'Ostia, toute proche, pour la fraîcheur d'un bain ou d'une escapade en voilier...

Sans oublier, en plein centre de Rome, le Casilino 900, ce camp de réfugiés roms, comme une plaie infecte et honteuse au flanc de la Ville éternelle...

Rome, terre de contrastes...

On ne pouvait inscrire cette ville immémoriale dans le temps, toujours urgent et pressé, d'un polar: Roberto Costantini a donc choisi la durée: 26 ans, de 1982 à 2006, très exactement entre deux victoires italiennes à la coupe du monde de football.. "Panem et circenses!" - du pain et des jeux!- réclamait le populus romanus à ses édiles...on en est toujours là...

Sauf qu'ici ce serait plutôt "sanguinem et circenses!"

Entre ces deux dates, un fou sanguinaire opère dans la ville : un crime unique, d'abord, atroce, puis 26 ans plus tard, une rafale de meurtres qui semblent porter la même signature...

Un vrai bon polar doit avoir des lieux incarnés, il doit prendre son temps pour faire mijoter notre effroi et surtout il doit avoir des personnages étoffés, profonds, complexes, aussi incarnés que ceux du roman classique, sous peine d'être aussitôt oublié quelque temps après sa lecture..

Inoubliable Michele Balistreri, ancien facho et vrai macho, tombeur et consommateur impénitent de cigarettes, whisky et p'tites pépées...C'est notre flic en chef, un vrai cliché ambulant d'abord..Puis le temps passe, et comme le Lagavullin hors d'âge, il prend de la bouteille, du coffre, de la profondeur, de la complexité en même temps qu'il prend des gnons- ce qu'il perd en flamboyance il le gagne en humanité, ses blessures et ses secrets font sa force et sa sagacité.

Autour de lui des "seconds" formidables, presque aussi attachants que l'équipe d'Adamsberg chez Vargas, c'est dire! Un Sarde amoureux, une "bi" risque-tout et tête brûlée, un Nain..si grand qu'il en meurt, un bellâtre redoutable enquêteur, tous affublés de sobriquets cinématographiques (Mastroianni, Coppola...) tirés du cinéma italien, "evidentemente"!

Quant au Mal, du titre, il est partout: dans les silences du Vatican, dans les magouilles politiciennes, dans les compagnies fiduciaires planquées aux Emirats, dans la folie des fêtes footballistiques, dans les blessures narcissiques aux conséquences incalculables, dans la morgue des aristocrates, dans les mensonges de chacun, dans les trahisons, les vendettas, les manipulations odieuses des faiblesses et des misères humaines, et même dans le sombre passé de Balistreri...

Mais les "méchants" ont tous une fêlure, une blessure qui les rend moins démoniaques, qui leur ôte cette monstruosité - qui rassure parce qu'on croit pouvoir s'en distinguer... Rien de tel chez Costantini: tout le monde, à un degré ou à un autre, peut être le mal, l'a été ou le sera, même les plus angéliques...

Des femmes, surtout, en payent le prix, victimes expiatoires de ce sombre poison qui semble gangrener la ville et sa population depuis tant d'années...

Magnifique polar, sombre et envoûtant, qui plonge dans les abysses, mais sait aussi dispenser une sorte de grâce, de pardon, inattendu et bouleversant. J'ajoute qu'il est très bien écrit...qu'on lui donne la place qu'il mérite serait mon voeu le plus cher !!!






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