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Critique de colimasson


Il y a trois siècles, personne n'était fou. Normal, la folie n'existait pas comme catégorie nosographique et le fou se confondait avec le miséreux, le délinquant ou le sénile, quand on ne le foutait pas dans une nef qu'on envoyait à l'autre bout du monde. Trop classe comme idée. C'est un peu l'anticipation de l'invention de la chasse d'eau.


Et puis, y a eu l'invention de la folie avec le développement de la clinique, Pinel et tous les Charcot du monde classique. C'est Michel Foucault qui a décrit tout ça mais on revient souvent sur sa généalogie pour gloser, encore et encore, c'est jamais inutile surtout que son idée était intéressante, surtout avant d'être reprise à toutes les sauces.


Aujourd'hui, tout le monde est fou. En effet, pour le DSM-IV (pas le dernier), le score maximum (100) dans l'échelle d'évaluation de la santé mentale décrit un sujet dont les caractéristiques sont : « Un niveau supérieur de fonctionnement dans une grande variété d'activités. N'est jamais débordé par les problèmes rencontrés. Est recherché par autrui en raison de ses nombreuses qualités. Absence de symptômes ». C'est quelqu'un qu'on n'aimerait jamais connaître.


On retrouve encore la critique foucaldienne de la société moderne, comme quoi qu'on serait plus que des outils de production pour le capitalisme et que finalement, ce modèle teubé de la santé mentale n'est bon que pour la productivité et le maintien de l'ordre social.


Tout cela s'étaye sur plus de 300 pages au style journalistique, Michel Foucault ne s'évoquant qu'à la manière d'une référence purement théorique et non stylistique. Dommage. Comme le déplorait Jean Furtos, il n'y a plus guère de Deleuze, de Foucault ou de Guattari de nos jours, de gars qui réinventent le langage en même temps qu'ils nous donnent à voir le monde sous un nouvel angle. C'est-à-dire qu'on ne leur donne plus trop la possibilité d'exister peut-être. Dans quelques années (déjà maintenant ?) ce livre sera démodé car fondé presque exclusivement sur des statistiques qui changent tout le temps. Ça servira peut-être de témoignage historique sur ce qu'a inventé la psychiatrie de nos jours pour tenir liées ses contradictions entre une lointaine volonté de guérir et un impératif non avoué de garder entre des chaînes ceux qui menacent l'ordre social.
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