Brel, Brassens, Ferré

Entrevue de François-René Cristiani avec ces trois artistes... heu! artisans
[...]

Léo Ferré: Là je vous arrête, vous avez dit :"vous êtes des personnalités publiques"
C'est ça qui me gène. Et Georges et Brel, et moi, avec ce que l'on fait ,avec notre métier, on ne peut pas souffrir de cela. Nous sommes des hommes publics, bon. Je vais vous raconter une histoire...vous ne me coupez pas, hein..., chaque fois que je rencontre dans la rue une femme qui vend son corps - c'est-à-dire une putain-, si elle me reconnaît, elle ne me fait jamais l'article.
J'ai longtemps cherché pourquoi,et j'ai trouvé: c'est parce que je vend quelque chose de mon corps. Quand on est sous les projecteurs, les gens paient, ils achètent un billet, ils viennent vous voir, ils attendent ou que vous leur plaisiez, ou que vous vous cassiez la gueule. De toute façon, ils attendent quelque chose: vous, avec votre corps! Et vous vendez quoi? Votre voix! Eh bien, entre le dessus et le dessous, il n'y a pas beaucoup de différence... Voilà pourquoi les putains ne me font pas l'article quand elles me reconnaissent. Je suis sûr que pour eux, c'est la même chose.

Georges Brassens: Tu sais, on ne va pas trainer souvent dans les endroits où se trouvent les dames dont tu parles! [éclat de rire général]

Jacques Brel: De toute façon, en gros, elles sont aussi artistes que nous, et nous sommes aussi putains qu'elles...

Léo Ferré: Bravo! C'est merveilleux ce qu'il vient de dire.