Le Cocu magnifique

Cette pièce de 1921 donnée comme une farce dérive progressivement vers le drame. Si le thème du cocu volontaire est intéressant et correspond à certaines aspirations contemporaines, le traitement qui en est fait est terriblement moralisateur sur le fond et outrancier dans sa forme. Cette forme est plus celle d'une pièce du XVIIIe siècle que d'une tragi-comédie de l'entre-deux-guerres. le personnage principal, Bruno, est outrancier dans son amour et dans sa jalousie ce qui semble être la marque de Fernand Crommelynck tenant d'un théâtre du paroxysme. le principe est de parler (hurler) à la place des autres pour se convaincre qu'on a raison et amener ainsi la situation vers l'inéluctable et le point de non-retour. Dans l'édition d'Espace Nord, la pièce est coincée entre une préface et une postface encensant ensemble la pièce et le théâtre de Crommelynck en général. La postface (lecture) de Paul Emond s'assigne comme tâche de démonter le mécanisme de la pièce (pourtant pas bien compliqué) et de nous prouver combien elle est soi-disant transgressive. Stella, la femme de Bruno, cède à son délire en couchant avec tous les hommes du village (son mari croit qu'elle fait semblant sauf avec un, le vrai amant). Elle le fait par amour, un amour absolu. Dans cette démarche, elle va aussi découvrir une forme de bonheur, celui de la pluralité sexuelle. S'il y avait ambiguïté comme on nous le suggère, Stella aura pris cette liberté à bras le corps pour en jouir plutôt que de s'interroger religieusement sur son infidélité et poursuivre le jeu de son mari.
Ton anachronique du XVIIIe siècle et morale conservatrice (patriarcale) du début du XXe siècle, la coupe est pleine pour moi et j'oublierai rapidement cette pièce où une femme est une fois de plus l'objet sans volonté des tourments masculins.