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Critique de KaoriKaonashi


Nos corps jugés, de Catherine CUENCA, est un livre engagé pour la reconnaissance du statut de victimes des femmes ayant subis un viol, tant par la justice que par la société française de 1978.

La vie de Myriam, 17 ans, bascule, un soir de février 1978. Elle sortait avec un garçon, de quelques années plus âgé qu'elle. Malgré son refus clair et net d'avoir une relation sexuelle, Frank insiste, et la force.
Craignant d'être enceinte, elle se confie à sa mère. Sa propre famille, terrifiée par une possible exposition publique de "ce scandale", souhaite faire taire Myriam, plutôt que de courir le risque de voir la réputation de la famille salie.
Au lycée, Myriam découvre les affiches militantes de l'association Choisir. A la télé, elle suit "le procès d'Aix-en Provence", qui fait grand bruit et suscite le soutien de nombreux mouvements féministes.

Le lecteur suit le chemin parcouru par Myriam, de la souffrance aux traumatismes, du rejet de sa famille à la rencontre de soutiens, du silence à la plainte pénale, de l'attente au procès.

Catherine CUENCA indique, " à travers le parcours de Myriam", avoir "voulu évoquer cette période porteuse d'espoir pour toutes les victimes de violences sexuelles". Ces années 70-80 représentent, en effet, un tournant à la fois juridique et moral. Juridique, par la loi du 23 décembre 1980 qui reconnait le viol comme un crime, et non plus un délit. Moral, par l'évolution des moeurs, la libération de la parole, portée par les associations de défense du droit des femmes.
Ce double objectif de l'autrice est rempli avec sa fiction Nos corps jugés.

Néanmoins, je regrette un état des lieux incomplet des obstacles auxquels les victimes de viol doivent faire face. L'accent est mis sur la loi du silence et la peur du scandale : l'isolement de Myriam, rejetée par tous. Il n'est en revanche pas question des doutes et cheminement intérieurs, a fortiori dans ce contexte, du difficile dépassement de la honte, et du chemin vers la résilience - comme si les seuls obstacles étaient extrinsèques à la victime.

Je regrette également un manque de nuance, notamment dans la conclusion, à la fois positive et fermée, du roman. Comme si le combat sociétal et juridique contre les violences sexuelles était fini, et occultant de nombreuses thématiques associées (correctionnalisation judiciaire, cas des femmes qui ne portent pas plainte, question difficile de la preuve a fortiori lorsque la personne ne porte pas plainte immédiatement, résilience...).

Toutefois, je comprends ce choix de l'autrice, qui lui permet d'alléger son roman, et de le dédier pleinement à un public jeunesse.

En conclusion, nos corps jugés est un roman dont la vocation première est de rendre hommage aux combats menés dans les années 70-80 pour la reconnaissance des femmes victimes de viol - qui par son contenu et sa forme, convient à un public adolescent.
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